Dans le tennis, le double n’a pas la même visibilité que le simple. Pourtant, en France, et ce depuis plusieurs années, c’est une discipline qui réussit à nos joueurs. Comme si nous étions meilleurs à deux que tout seul…
En 2019, le double français s’est porté à merveille
Depuis le début de leur collaboration en 2015, Pierre-Hugues Herbert et Nicolas Mahut connaissent un succès considérable. Ils ont tout remporté, comptant quinze titres ensemble. Australian Open, Roland-Garros, Wimbledon, US Open et ATP Finals : aucun des plus grands titres ne leur a échappé. Cette saison, ils ont conclu leur Grand Chelem en carrière à Melbourne et après quelques déboires en cours de saison, ils ont conclu en remportant le Masters 1000 de Paris-Bercy et surtout les ATP Finals, qu’ils n’avaient encore jamais gagnés. « C’est de l’émotion à l’état pur », déclarait Mahut après la victoire à Londres. « Cela ne se décrit pas. Cela se vit. C’est très fort. C’est une grande dose d’adrénaline. » Et s’ils ne sont pas les seuls à avoir remporté le tournoi des maîtres (voir le tweet de Quentin Moynet ci-dessous), ils s’inscrivent bien dans une tradition du double à la Française.
On peut citer ici Kristina Mladenovic, qui a été n°1 mondiale de la spécialité, a remporté l’Australian Open et Roland-Garros avec sa meilleure amie Timea Babos (sans oublier Roland-Garros en 2016 avec une autre Tricolore, Caroline Garcia) et vingt-trois titres au total. Il y a quelques jours, Mladenovic a démontré une fois de plus qu’elle était une joueuse de double exceptionnelle, apportant le point de la victoire en finale de la Fed Cup face à l’Australie, une fois de plus avec sa compatriote Caroline Garcia. Et si le double est important pour ces joueuses et ces joueurs, il n’empêche pas d’être performant en simple : pour la Nordiste, cela peut même l’aider à garder une certaine dynamique, comme on a pu le voir en Fed Cup où elle a battu la n°1 mondiale Ashleigh Barty quelques jours seulement après avoir remporté les WTA Finals en double (avec Timea Babos).
Cette saison, cependant, d’autres paires ont prouvé que le double français se porte à merveille. Ainsi, Jérémy Chardy, qui était jusque-là plus porté vers le simple, a réalisé une belle saison en double. Ainsi, le Palois a remporté un tournoi ATP 500, à Rotterdam, avec le spécialiste du double Henri Kontinen. Puis, il s’est associé à son compatriote Fabrice Martin, lui aussi spécialiste du double (il ne joue plus en simple et n’a jamais eu de gros résultats au niveau professionnel). Ensemble, Chardy et Martin ont remporté le tournoi ATP 250 de Marseille en février et surtout, ils ont créé la surprise à Roland-Garros en atteignant la finale d’un tournoi du Grand Chelem pour la première fois de leur vie. « C’est incroyable, on a commencé le tennis ensemble à huit ans », avait commenté Chardy. « C’est top d’être en finale de Roland-Garros avec son meilleur ami à côté sur le terrain. C’est monstrueux de jouer sur le Central de Roland-Garros. C’est un moment magique dans une carrière. Il faut en profiter. » On y reviendra plus tard, mais l’amitié semble plus qu’importante dans la réussite d’une paire de double.
Citons enfin la paire composée de Nicolas Mahut et Edouard Roger-Vasselin. Alors que Pierre-Hugues Herbert faisait une pause dans la pratique du double (pause vite raccourcie pour jouer Wimbledon aux côtés d’Andy Murray), Mahut a retrouvé un vieil ami pour l’épauler sur le court. Ensemble, ils ont eu de belles performances, atteignant la finale à Wimbledon, puis au tournoi ATP 250 de Metz en septembre dernier. Enfin, ils ont remporté le tournoi ATP 500 de Tokyo, avant que Mahut ne retrouve Herbert pour la fin de saison.
L’amitié, élément primordial pour la réussite d’un double
Dans l’histoire du tennis français, d’autres paires ont connu le succès. Guy Forget avec Yannick Noah, puis avec Henri Leconte ou encore Olivier Delaitre. Ce même Olivier Delaitre avec Fabrice Santoro. Puis ce même Fabrice Santoro, qui a remporté deux titres du Grand Chelem avec Michaël Llodra (Australian Open en 2003 et 2004). Puis, ce même Michaël Llodra avec Arnaud Clément, eux aussi titrés en Grand Chelem (Wimbledon 2007), et ensuite associé avec Julien Benneteau ou Nicolas Mahut. Sans oublier Julien Benneteau et Edouard Roger-Vasselin, titrés à Roland-Garros en 2014. Au total, depuis le début des années 2000, les Français ont remporté pas moins de onze titres en Grand Chelem, hommes et femmes confondus. Là où, en simple, seuls quatre titres ont été remportés, tous chez les dames (Mary Pierce à Roland-Garros en 2000, Amélie Mauresmo à l’Australian Open et à Wimbledon en 2006 et Marion Bartoli à Wimbledon en 2013).
L’élément qui semble indissociable de ces réussites est une véritable histoire d’amitié. En effet, sans amitié pas d’efficacité sur le court. On l’a déjà vu par le passé, quand cette amitié est mise à mal, les résultats ne suivent plus. Les deux exemples les plus probants sont ceux de Caroline Garcia et Kristina Mladenovic, puis plus récemment de Pierre-Hugues Herbert et Nicolas Mahut. Pour Garcia et Mladenovic, on connaît l’histoire : titrées à Roland-Garros en 2016, puis finalistes de la Fed Cup perdue face aux Tchèques, elles se sont « séparées » l’année suivante quand la Lyonnaise a voulu se concentrer sur sa carrière en simple, laissant même la Fed Cup de côté. Après un long travail du nouveau capitaine Julien Benneteau en 2019, cette amitié semble s’être renouée entre deux joueuses complémentaires sur un court de tennis, qui ont retrouvé le succès presque instantanément. Ainsi, elles ont apporté le point décisif du double à la France en demi-finales et en finale de la Fed Cup, permettant aux joueuses tricolores de ramener la coupa à la maison, comme elles ont aimé le dire à leur retour d’Australie.
En ce qui concerne Herbert et Mahut, leur « affaire » a déjà été racontée de multiples fois. Le Strasbourgeois qui décide de se concentrer sur le simple après la victoire du duo à Melbourne, Mahut qui a du mal à l’accepter mais fait avec, puis Herbert qui décide de jouer à Wimbledon avec Andy Murray, voyant là une occasion unique de côtoyer une légende. Mahut a eu du mal à digérer cette épreuve mais après une longue discussion, les deux compères se sont retrouvés en fin de saison. « Un joueur de tennis a tendance par moments à être un peu égoïste, et j’ai trouvé chez ‘Nico’ quelqu’un qui partage, qui donne pour son partenaire », a déclaré Herbert après leur victoire à Paris-Bercy. « Ça n’est pas toujours tout rose, mais notre grande force c’est qu’on se dit les choses avec franchise et honnêteté », a conclu l’Angevin de 37 ans. « On est différents, comme il l’a dit ; on a des désaccords, mais au final on repart ensemble. A partir du moment où on a le plaisir d’être ensemble sur le terrain, là où ce sera compliqué, c’est le jour où on n’aura plus envie. Là, on avait encore envie. On a discuté et ça s’est remis. » Avec le succès dont nous avons déjà parlé, leur amitié ayant été mise à mal mais ayant survécu. Comme quoi, on le répète : quand amitié il y a, le succès peut aller avec. Chardy et Martin l’ont démontré à leur tour à Roland-Garros, tout comme Mladenovic quand elle joue avec sa meilleure amie dans le monde du tennis, la Hongroise Timea Babos. Des exemples, on pourrait en trouver dans d’autres pays, à commencer par la paire colombienne Cabal/Farah, qui a terminé la saison 2019 à la première place mondiale. Mais ce qu’il est important de retenir, c’est que tant qu’il y aura des liens d’amitié entre les joueurs français, ils auront du succès en double.
Crédit photos : @atptour, @WTA, @rolandgarros, @nthllambert, @FFTennis
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