Chaque semaine ou presque, on entend parler des menaces reçues directement sur le court ou via les réseaux sociaux par les joueurs et les joueuses professionnels. Ces menaces, proférées par des parieurs en ligne, viennent pourrir le milieu du tennis, jusqu’à mettre potentiellement la vie de ses principaux acteurs en danger. Seront-ils mieux protégé à Roland-Garros, deuxième levée du Grand Chelem de la saison ? La question reste en suspens…
Même si tout le monde sait qu’ils seront bien présents à Roland-Garros, les paris sportifs ont tendance à ne pas être les bienvenus à l’intérieur de l’enceinte de la Porte d’Auteuil. Tout est fait pour bien le comprendre, comme ces longs messages relayés à longueur de journée sur les écrans géants du site parisien pour sensibiliser le grand public. « Il est formellement interdit à toute personne d’engager, directement ou par personne interposée, par quelque procédé que ce soit des paris sous quelque forme que ce soit sur tout ou partie d’un ou plusieurs matchs du tournoi de Roland-Garros se déroulant dans l’enceinte de la manifestation », précise ainsi le règlement intérieur. De telles mesures afin d’éviter, notamment, ce qui s’est passé en demi-finales du Challenger de Madrid, il y a quelques semaines. Norbert Gombos (n°332), qui avait été sifflé par une partie du public, était monté dans les tribunes à la fin de la rencontre pour s’expliquer avec des spectateurs. « Vous êtes tout le temps là, à siffler », avait notamment protesté le joueur slovaque. « Pourquoi vous détruisez le jeu ? Je me moque de savoir si vous pariez, je m’en fiche. » Les parieurs qui perturbent les tournois, interviennent en plein match et s’en prennent directement aux joueurs, le phénomène est en pleine croissance.
« Je suis allé sur des tournois où il y avait une ambiance malsaine, honteuse et très triste », a par ailleurs expliqué l’Espagnol Albert Ramos-Viñolas (n°257), ancien quart de finaliste à Roland-Garros, qualifié pour le tableau principal après être passé par les qualifications. « Il y avait des gens qui m’insultaient, me menaçaient directement sur le court. C’est un sujet très compliqué. A Rome, ça a été très dur, comme dans plusieurs Challengers que j’ai disputés. » L’ambiance devrait être un peu moins rude à Roland-Garros où les parieurs sportifs sont surveillés de très près. « On sait que les dérives sont plus fortes sur les petits tournois », a indiqué Gilles Moretton, le président de la Fédération française de tennis en marge de la présentation du tournoi. « Pour les paris sportifs on a une vigilance énorme sur site pendant l’événement. On a innové dans plein de domaines. » L’organisation du tournoi a ainsi mis en place des mesures de blocages informatiques : le wifi et le réseau filaire du stade ne permettent pas d’accéder aux sites de paris en ligne. Tous les matchs sont enregistrés et d’anciens joueurs visionnent les rencontres dans lesquelles il y a des suspicions de corruption, les arbitres sont désignés le matin même des matchs et il y a une surveillance accrue des courtsiders (des personnes qui parient des tribunes ou transmettent des informations en temps réel aux parieurs) sur le site pendant le tournoi, avec une expulsion systématique lorsqu’ils sont découverts. « On sort régulièrement des gens de certains courts, de certains matchs », a insisté Gilles Moretton. « Les tournois du Grand Chelem sont très professionnels et très préventifs par rapport aux paris sportifs », a expliqué le Français Luca Van Assche (n°178), sorti au troisième tour des qualifications. « Moi, je n’ai jamais eu de problèmes, j’espère que ça va continuer. Les parieurs sont très surveillés et il n’y a pas de problèmes, pour le moment. »

Mais les joueurs savent que l’équilibre est précaire. D’ailleurs, en arpentant les courts de Roland-Garros lors de la semaine de qualifications, on a vu quelques parieurs profiter d’obscures rencontres, comme ces deux copains échangeant, téléphone en main et appli de paris en ligne ouverte, devant le match entre l’Australienne Maddison Inglis (n°156) et la Biélorusse Kristina Dmitruk (n°222), disputé sur le Court n°9 devant 27 personnes, mercredi matin. « Aujourd’hui, il y a deux options : ou ces parieurs ne rentrent pas sur le court ou il n’y a pas de paris », a déclaré Albert Ramos-Viñolas. « Mais les paris bougent beaucoup d’argent dans le monde, il y a beaucoup d’intérêts derrière les entreprises de paris. On ne peut rien faire, nous les joueurs. Jusqu’au jour où il se passera quelque chose de grave, rien ne se passera. » A Roland-Garros, en plus des mesures mises en place pour éviter les paris pendant les matchs, l’organisation accompagne également les joueurs. Depuis deux ans, la société Bodyguard gère la protection des comptes des joueurs français, notamment, sur les réseaux sociaux, pour éviter le harcèlement en ligne des parieurs frustrés de la défaite de celui ou celle sur laquelle ils avaient misé. « Mais même quand je gagne, j’aurai toute ma carrière une cinquantaine de messages par jour pour m’insulter », a déploré Luca Van Assche. « Mais je ne les regarde même plus, ça ne me fait plus rien. » Comme si, après l’échauffement et le match, quand ce n’est pas pendant, les insultes des parieurs faisaient aujourd’hui partie du quotidien d’un joueur.