Il y a vingt ans, Marat Safin s’imposait (enfin) en finale de l’Open d’Australie, à sa troisième tentative. De ce titre, on retiendra deux choses : la demi-finale épique face à Roger Federer, invaincu depuis l’US Open en septembre 2004 ; et le fait que ce sera le dernier trophée soulevé par le Russe. Petit retour en arrière sur un parcours mémorable, conclu en finale face à l’enfant du pays, Lleyton Hewitt.
Au début de cette édition 2005 de l’Open d’Australie, Marat Safin est classé au 4ème rang mondial. Vainqueur de l’US Open en 2000, le joueur russe n’a plus connu pareil triomphé depuis en Grand Chelem. N°1 mondial cette année-là, il a dû composer avec les blessures, notamment lors d’une année 2003 gâchée par ce corps souffrant. En 2004, Marat Safin se reconstruit pour redevenir ce joueur si dangereux, dès le premier tournoi du Grand Chelem de la saison 2005. Fait insolite, Marat Safin démarre sa campagne face à un jeune joueur de 17 ans issu des qualifications, auquel il inflige un cinglant 6-0, 6-2 6-1 : Novak Djokovic. Il élimine ensuite le Tchèque Bohdan Ulihrach et le Croate Mario Ancic, pour rejoindre le Belge Olivier Rochus, tombeur de Gaël Monfils au tour précédent, en huitièmes de finale. Le Russe doit alors batailler quatre sets, dont trois tie-breaks, pour rallier les quarts de finale, où la victoire est plus aisée contre le Slovaque Dominik Hrbaty. Marat Safin est en demi-finales, où le nouveau n°1 mondial et maître du jeu l’attend, un certain Roger Federer. D’ailleurs, pour la première fois depuis un an, les quatre premières têtes d’affiche composent le dernier carré, puisque Andy Roddick (n°2 mondial) et Lleyton Hewitt (n°3 mondial) vont s’affronter dans l’autre demie.

Vingt ans après, tout le monde se souvient de la rencontre épique opposant le Suisse au joueur russe. On assiste à un combat à couper le souffle, qui dure près de cinq heures. Invaincu depuis l’US Open en 2004, Roger Federer reste sur quatre titres consécutifs et fait figure d’épouvantail, d’autant plus qu’il n’a pas encore perdu un set depuis le début du tournoi. Avec deux joueurs aussi talentueux et en confiance, les ingrédients sont réunis pour avoir une partie exceptionnelle. Celle-ci va même atteindre des sommets. Mené deux sets à un, le Russe sauve héroïquement une balle de match dans le tie-break du quatrième set avant d’égaliser à deux manches partout. Les points gagnants s’enchaînent et Marat Safin se détache 5 jeux à 2 dans le dernier set. Mais le Suisse n’abdique pas. Il recolle au score. Le n°1 mondial finira néanmoins par céder son engagement à 8-7 pour s’incliner en cinq manches 5-7, 6-4, 5-7, 7-6 (6), 9-7. Une de ses premières défaites cruelles en Grand Chelem… et Dieu sait qu’il y en aura d’autres ! Quant au Russe, il s’offre le jour de ses 25 ans un des plus beaux succès de sa carrière.
En finale, il retrouve Lleyton Hewitt, qui porte tous les espoirs d’un pays. En effet, aucun joueur australien ne s’est imposé à Melbourne depuis Mark Edmonson en 1975. Soit trente ans. Après un premier set de réglage où il commet beaucoup de fautes, Marat Safin domine nettement l’Australien grâce à un jeu de fond de court plus agressif et à sa supériorité au service (18 aces contre 7). Après la perte rapide du premiers set 1-6) et être revenu dans le second (6-3), le joueur russe se retrouve mené 3-0 dans le troisième acte. Il prend l’ascendant physiquement en raccourssissant l’échange et en s’appuyant sur une première balle retrouvée (de 47% dans la deuxième manche, il passe à 75% de première dans la quatrième !).

Après 2h45 de jeu, Marat Safin finit par s’imposer en quatre sets 1-6, 6-3, 6-4, 6-4. Il brise le rêve de tout un pays en dominant le héros local, Lleyton Hewitt, pour s’adjuger le deuxième titre du Grand Chelem de sa carrière (après avoir échoué en 2002 face à Thomas Johansson et en 2004 contre Roger Federer). « Il a battu celui qu’on pensait impossible à battre. Il mérite sa victoire », déclare Lleyton Hewitt, grand seigneur, devant les 15 000 spectateurs de la Rod Laver Arena. Il ne le sait pas encore, mais Marat Safin ne soulèvera us aucun trophée. Son compteur restera bloqué à 15. La faute aux blessures, qui reviendront lui gâcher la vie.