Sur le circuit ATP, le débat autour du calendrier, trop surchargé, semble ne jamais avoir été aussi présent. Entre des Masters 1000 élargis sur 12 jours et des exhibitions qui font plus parler d’elles par leurs spécificités que par ce qu’elles apportent au jeu, on ne sait plus où donner de la tête. Au final, le constat reste le même : il y a trop de tournois, tant pour les joueurs que pour les spectateurs (qui finissent par s’y perdre).
Alors que trois tournois ATP 250 ont eu lieu cette semaine (Anvers, Stockholm et Almaty), ils auront été en concurrence avec deux exhibitions. De mercredi à samedi a d’abord eu lieu le « Six Kings Slam », en Arabie Saoudite, avec notamment Jannik Sinner (n°1), Carlos Alcaraz (n°2), Novak Djokovic (n°4) ou encore Rafael Nadal (n°153). Rien que ça. Puis, entre vendredi et dimanche, c’était au tour de l’étape de l‘UTS de Patrick Mouratoglou, qui s’est disputée à Francfort. Et qui a attiré des joueurs comme Ugo Humbert (n°16), Ben Shelton (n°17), Lorenzo Musetti (n°18), Gaël Monfils (n°41), Thanasi Kokkinakis (n°83) ou encore Denis Shapovalov (n°92). Autant de joueurs qui n’ont pas participé aux tournois du circuit officiel pour privilégier une exhibition. Ce qui aurait pu faire polémique quand on sait, par exemple, que Gaël Monfils a refusé d’aller défendre son titre à Stockholm pour participer à l’UTS. Mais qu’est-ce qui fait qu’un joueur, capable de se plaindre d’un calendrier trop long, va privilégier une exhibition sans points à gagner à un tournoi du circuit ATP ?

Est-ce l’appât du gain ? Probable, même si les exhibitions les plus lucratives sont souvent celles qui mettent en scène des joueurs qui n’ont pas besoin de gagner des sommes pharaoniques pour vivre. Ainsi, le « Six Kings Slam » promettait 6 millions de dollars à son vainqueur, avec dans ses rangs cinq vainqueurs de Grand Chelem sur six joueurs engagés (seul Holger Rune n’a jamais connu un tel triomphe). Par ailleurs, même s’il perdait d’entrée, un joueur pouvait empocher 1,5 millions de dollars. Ce qui a créé une belle polémique quand Daniil Medvedev (n°5) a été battu par Jannik Sinner, en ouverture, en 69 minutes, mercredi. Cela dit, l’UTS de Patrick Mouratoglou ne promet pas les mêmes sommes d’argent, même si nous en savons peu là-dessus. Ce qui semble attirer les participants, c’est le format différent, avec des règles retravaillées. Comme cette carte qu’un joueur peut sortir à n’importe quel moment du match et qui lui permet de remporter trois points au lieu d’un. Ou cette possibilité d’échanger avec son entraîneur aux changements de côté. Même le système de score (présenté comme « quarts-temps de huit minutes chacun, où chaque point vaut autant que le suivant ») n’a rien à voir avec le jeu traditionnel. C’est ce qui semble attirer des showmen comme Gaël Monfils, Ben Shelton et même Ugo Humbert.

Même si, à l’instar du dernier nommé, ces joueurs sont les premiers à se plaindre d’un calendrier trop chargé et mal géré par l’ATP. « Ils ne vont jamais dans le sens des joueurs », expliquait récemment Ugo Humbert dans une interview avec Tennis Majors. « Je suis désolé, mais moi je trouve que, déjà, la plus grosse des conneries, c’est d’avoir mis les Masters 1000 sur deux semaines. C’est fatigant. Et ils nous disent qu’on gagne plus d’argent mais ce n’est pas vrai, on a deux fois plus de frais. Il y a beaucoup plus de gars qui se blessent aussi. Même pour suivre à la télé, je pense que ça ne vaut même pas le coup, tu ne comprends pas qui joue quand etc. Tout ça, ce n’est qu’une question d’argent, mais il n’y a pas que ça quoi… J’ai eu une période, la saison nord-américaine, où je n’étais pas bien, je me sentais fatigué, épuisé, des voyages, d’être tout le temps loin de chez toi. C’est trop dur, c’est trop dur. Et là, ils vont encore dans ce sens-là. L’année prochaine, les Masters 1000 du Canada et Cincinnati vont aussi passer sur deux semaines. Je trouve que c’est du grand n’importe quoi, la saison est beaucoup trop longue. Il n’y a aucun autre sport où tu n’as qu’un seul mois de pause. Je vais finir ma saison juste après Metz et je vais partir un mois après pour l’United Cup qui commence le 27 décembre. Je ne peux même pas faire Noël chez moi. J’en entends certains, comme Jannik Sinner, qui disent que tu peux choisir de ne pas jouer. Mais ils ne sont pas lucides non plus… Quand tu es 50ème, 60ème mondial, tu essaies de jouer au maximum pour monter au classement. Il faut revoir le truc, essayer de condenser davantage, parce que dans l’état actuel, c’est usant. Au bout d’un moment, ce n’est pas possible. »

Alors, les joueurs font-ils le choix de jouer des exhibitions car ce serait moins exigeant, donc quelque part plus reposant, qu’une semaine d’entraînement ou de tournoi ? C’était l’argument avancé par Taylor Fritz (n°7), en septembre dernier, lors de la Laver Cup. Pourtant, une exhibition comme l’UTS ne semble pas si reposante. En effet, son créateur Patrick Mouratoglou la présente comme un sprint, alors que le tennis serait plutôt un marathon. Si un match ne dure pas plus de 47 minutes, les échanges et le rythme peuvent être plus intenses. « C’est dingue comme c’est intense », avait réagi Gaël Monfils, à New York, pour nos confrères de Tennis Majors. « Parfois, après un long rallye, vous vous retrouvez à bout de souffle et vous devez enchaîner directement avec le point suivant. Ce n’est pas évident, il n’y a aucun temps mort. Mais c’est ça qui est bon, on aime tous la formule comme ça. Simplement, il faut se préparer. Cela demande une manière différente de s’entraîner. » Nous sommes donc en droit de nous demander où se situe le juste milieu. L’ATP devrait réfléchir à ne plus imposer ces cadences folles aux joueurs, qui de leur côté ne devraient pas se laisser appâter par les gains proposés pour pouvoir faire ce qu’ils demandent : avoir plus de vraies plages de repos.