Il était autour de 20h50, ce lundi, quand Lucas Pouille (n°670) a de nouveau goûté aux joies de disputer un tournoi du Grand Chelem. Certes, c’était au premier tour des qualifications de Roland-Garros, mais c’est déjà mieux que rien. D’autant plus que l’ambiance du Court 14, cette arène enflammée durant les qualifs, l’a certainement aidé à se surpasser. Le voilà désormais lancé, avec l’envie de rejouer dans le grand tableau. Plus que deux matches à gagner pour atteindre ce Graal…
Lundi 22 mai. 22h37. Court 14 de Roland-Garros. Un homme exulte. Il est le dernier vainqueur d’un longue première journée de qualifications. Au terme d’un match complet, où il a retrouvé de sa superbe, Lucas Pouille (n°670) a franchi cette première étape vers la résurrection. Et avec la manière, s’il vous plaît. Ainsi, il a battu le Tchèque Tomas Machac (n°127), un client dans ce tournoi qualificatif, en deux sets 7-5, 6-3. Grâce à quelques fulgurances et avec l’aide d’un public endiablé, ce qui nous ramenait quelques années en arrière, à Lille lors de la dernière victoire française en Coupe Davis, le Nordiste est allé chercher sa première victoire en Grand Chelem depuis l’US Open en 2019. Une éternité. « C’est assez paradoxal mais je pense que c’est la victoire qui me fait le plus plaisir depuis quatre ans », a d’ailleurs relevé le joueur de 29 ans. « Ça fait longtemps. J’arrivais à Roland avec très peu de certitudes, très peu de repères, quasiment zéro victoire. Mais j’avais bien bossé et fait le choix de ne pas aller à Bordeaux pour bien me préparer avec mes entraîneurs Eric Winogradsky et Enzo Py. On est resté ici à s’entraîner et je suis très content du match que j’ai fait face à un très bon joueur qui a fait de super résultats. Mais voilà, je suis vraiment très content d’être au prochain tour. » Dans une ambiance de dingue, Lucas Pouille a ainsi pris du plaisir, notamment grâce à ce public de connaisseurs, qui a scandé son nom et même chanté la Marseillaise. « C’est pour ça que j’ai eu envie de rejouer au tennis », a confié le joueur tricolore. « En regardant Gilles (Simon, ndlr) à Bercy avec ce genre d’ambiance, ça m’a redonné des frissons. Jouer un premier tour de qualifs à 20h30 et que le Court 14 soit quasiment rempli pendant une grosse partie du match, avec cette ambiance, c’était fantastique. »
Rappelez-vous. Lucas Pouille revient de très loin. En proie à une dépression, il avait révélé son mal-être, il y a seulement quelques semaines, aux yeux du monde entier. Et si lundi il a de nouveau connu le goût de la victoire, il n’en oublie pas toutes les galères qu’il a dû surmonter. « C’est toujours ultra-présent, je ne peux pas tout mettre derrière moi, ne plus jamais y penser parce que ce serait dommage car je pense avoir vécu plus de belles choses que de mauvaises même si ces dernières années étaient compliquées », a expliqué le 670ème joueur mondial. « Je reviens avec l’envie de jouer, de gagner des matches, avec un objectif de tout donner pour essayer de vivre un rêve et jouer les Jeux à Paris. Je ne sais pas si j’y arriverai mais en tout cas je donnerai le maximum en me servant de ce qui s’est passé. » D’ailleurs, revenir en Grand Chelem, à Roland-Garros, n’a rien d’anodin pour un joueur français. Surtout cette année, où on fête les 40 ans du titre de Yannick Noah du côté de la Porte d’Auteuil. Ce qui a inspiré l’équipementier de Lucas Pouille, Le Coq Sportif, qui fournit aux joueurs une chemise particulière. « Elle est censée représenter la chemise de Yannick (Noah, ndlr) en 1983″, a révélé Lucas Pouille. « Derrière, il y a écrit ses initiales, je ne sais pas si ça aide mais si ça peut me faire gagner Roland, ça serait fantastique mais bon pour l’instant j’en suis pas là… »
Quoiqu’il en soit, nous avons bien envie de voir Lucas Pouille continuer dans ce tournoi. Pour cela, il devra d’abord se défaire du joueur de Taipei, Chun Hsin Tseng (n°215), au deuxième tour des qualifications. Et pourquoi pas rêver, ensuite, de retrouver le grand tableau. Après avoir failli arrêter définitivement le tennis, ce serait une belle histoire pour le joueur de 29 ans, qui a déjà connu les frissons d’une demi-finale en Grand Chelem. D’ailleurs, parler de sa dépression l’a-t-il libéré d’un poids ? « Je ne sais pas, je ne suis pas la personne qui parle le plus, mais j’estimais que c’était le moment d’en parler », a reconnu le principal intéressé. « Pendant des mois et des mois j’avais demandé à mon équipe de ne rien dire à personne, de refuser les demandes parce que je ne me sentais pas prêt. Parce que ce n’était pas le bon moment. Là, j’avais décidé de faire un point, de mettre tout à plat. Est-ce que c’était bien ou non ? En tout cas pour moi, c’était nécessaire et je pense que parfois, il faut aussi que les gens se rendent compte qu’on est des êtres humains, comme tout le monde, qu’on a le droit de passer par des moments durs. Dans une carrière, c’est comme dans la vie normale, on passe par de bons moments et des moments plus difficiles et c’est important que les gens l’entendent aussi. Parce qu’on voit souvent le sportif de haut niveau qui doit toujours être parfait, au top de sa forme et malgré tout à côté de ça il y a une vie et cette vie ne va pas toujours comme il faut. » En tout cas, en parler a peut-être été comme une sorte de thérapie. Libéré du poids de ce mal-être, Lucas Pouille peut désormais repartir de l’avant. « Maintenant, c’est passé, c’est derrière moi, même si parfois j’y repense. Ça me sert et me donne plus de force qu’autre chose », a-t-il conclu. Rendez-vous mercredi pour voir jusqu’où il peut désormais aller.
Article rédigé par Yannick Giammona
Crédit photos : @sotennis1, @FFTennis
À LIRE AUSSI :
Roland-Garros : c’est parti pour les qualifications !
La semaine des Tricolores : Ugo Humbert et Diane Parry titrés, Geoffrey Blancaneaux finaliste
Jeu, Set et Match 
3 réflexions au sujet de “Lucas Pouille, un Roland-Garros sous forme de résurrection”