Roland-Garros

Dans les allées et le vestiaire, un Roland-Garros sous fond de guerre en Ukraine

Alors que le tournoi bat son plein, Roland-Garros n’échappe pas à l’actualité mondiale. Ici et là, on entend parler de la decision de Wimbledon – prochain tournoi du Grand Chelem au calendrier – dexclure les joueurs russes et biélorusses. Et de la conséquence directe de cette décision : aucun point ne sera attribué par l’ATP à Londres.


Depuis le début du tournoi de Roland-Garros, on entend dans les allées du stade et les vestiaires des conversations qui n’ont que peu à voir avec ce qu’il se passe sur les courts de la Porte d’Auteuil. L’annonce des circuits ATP et WTA, le 20 mai dernier, de n’attribuer aucun point lors de la prochaine édition de Wimbledon, en réponse à la décision du tournoi londonien d’exclure les joueurs russes et biélorusses, a fait replonger le monde du tennis dans des débats qui l’occupent depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, à la fin du mois de février. Et pour cause : cette décision va déclencher un véritable remue-ménage sans précédent dans les classements mondiaux, puisque les vainqueurs de 2021 ne pourront pas défendre leurs points. « Sur un plan personnel, cela va m’affecter négativement », a réagi Novak Djokovic (n°1), tenant du titre à Wimbledon. Déjà absent à l’Open d’Australie, en janvier dernier, à cause de sa decision de ne pas se faire vacciner contre la Covid-19, le Serbe pourrait ainsi perdre sa place de n°1 mondial au profit de Daniil Medvedev (n°2). Et ce même s’il parvient à conserver son titre sur le gazon londonien. Mais il a préféré se montrer philosophe : « Je suis content que les joueurs et l’ATP se soient entendus, pour montrer aux Grands Chelems que, lorsqu’ils font une erreur – et Wimbledon en a fait une –, il y a forcément des conséquences. »

Cependant, en dehors du terrain, le débat reste tendu. Nombreux sont ceux qui regrettent de ne pas avoir été consultés. « L’intention est bonne, mais la réalisation, c’est n’importe quoi », a estimé la Japonaise Naomi Osaka (n°38), ce lundi, envisageant de ne pas disputer « ce tournoi, qui ressemble à une exhibition. » Jamais le dernier à donner son avis, le Français Benoît Paire (n°78) a pris part au débat au sortir de sa défaite du premier tour face au Biélorusse Ilya Ivashka (n°50), mardi. « Je suis désolé pour les Russes et la Russie, mais ce sont eux qui ont foutu le bordel », a ainsi déclaré le joueur tricolore. « Tous les joueurs de l’ATP des autres pays sont pénalisés. » Soulignant que « 99 % des joueurs veulent des points et jouer un tournoi normal », l’Avignonnais s’est interrogé sur la question de savoir « si l’ATP défend plutôt les joueurs ou la Russie. » Ce débat autour des points fait presque passer au second plan la question qui l’a déclenché : les joueurs russes et biélorusses doivent-ils être autorisés à concourir dans les tableaux du Grand Chelem ? À la différence de Wimbledon, qui avait choisi fin avril de les bannir, Roland-Garros les accueille les bras ouverts – comme tous les autres tournois, d’ailleurs -, en accord avec les décisions du gouvernement français. « On va appliquer la stricte neutralité qui est demandée aux joueurs russes », expliquait Amélie Mauresmo, directrice de Roland-Garros, avant le debut du tournoi sur Eurosport. « Pas de drapeau, pas de mention du pays, ni sur les tableaux, ni sur les panneaux, pas d’hymne. Mais on ne veut pas punir l’individu. » Un choix qui, forcément, se retrouve critiqué par les Ukrainiens. « Permettre à un tennisman russe de prendre part au circuit, c’est faire la propagande du Kremlin, qui politise le sport », a déclaré Elina Svitolina (n°33) début mai. « La WTA a vraiment été active sur cette question (l’affaire Peng Shuai, ndlr), n’hésitant pas à arrêter tous ses tournois en Chine, c’était très courageux. Et là, alors que l’on parle d’une situation encore pire, une guerre en cours, ils ne font rien. »

À Roland-Garros, sa compatriote Lesia Tsurenko (n°119), éliminée dès le premier tour par la Polonaise Iga Swiatek (n°1), s’est épanchée sur la solitude des joueurs ukrainiens. En effet, ils aimeraient recevoir davantage de soutien de la part du circuit, à commencer par ses grands noms. « Pour eux (les joueurs interdits de participer à Wimbledon, ndlr), c’est comme s’ils perdaient leur travail », a-t-elle soufflé. « Mais moi, je ressens beaucoup de choses terribles et, comparé à ça, perdre une possibilité de disputer un tournoi n’est rien. » Quant aux joueurs russes, ils peinent à dissimuler leur irritation d’être, encore et toujours, ramenés à la guerre. « En fait, tu ne t’intéresses pas du tout à mon match », a lancé Karen Khachanov (n°25), dimanche, après sa victoire au premier tour à un journaliste l’interrogeant sur la décision de l’ATP. « Je mentirais si je disais que la situation ne m’affecte pas. Tout le monde dit que nous sommes responsables, même si nous ne le sommes pas. » Toutes ces questions peuvent sembler futiles par rapport à ce quil se passe actuellement en Ukraine. Grande favorite du tournoi chez les dames, Iga Swiatek a tenté, mardi, de recentrer le débat. « Vous savez, la guerre est aux portes de mon pays, alors je m’en fiche un peu des points et des classements », a insisté la n°1 mondiale, qui joue depuis trois mois avec les couleurs de l’Ukraine épinglées à la casquette. « Je sais que les joueurs russes et biélorusses ne sont pas responsables de ce qui arrive dans leur pays, mais le sport est souvent instrumentalisé par les politiques. »

Article rédigé par Yannick Giammona
Crédit photos : @rolandgarros, @LACOSTE, @Tenisalmaximo

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