Analyses

Marta Kostyuk : une victoire, des larmes et la déception envers les Russes

Ce jeudi, l’Ukrainienne Marta Kostyuk (n°54) a franchi, dans la douleur, le premier tour du tournoi WTA 1000 d’Indian Wells. Opposée à une joueuse belge d’origine ukrainienne, elle a fondu en larmes après avoir sauvé plusieurs balles de match. Mais le plus important, c’est que la joueuse de 19 ans s’est longuement exprimée, en conférence de presse, sur le conflit qui touche actuellement son peuple.


L’image est belle à voir et elle fait le plus grand bien. Après trois heures et six minutes de jeu, Marta Kostyuk (n°54) a laissé parler ses émotions une fois la qualification pour le deuxième tour du tournoi WTA 1000 d’Indian Wells acquise. Opposée à la Belge Maryna Zanevska (n°68) sur le Court n°6, elle s’en est finalement sortie en trois sets 6-7 (5), 7-6 (6), 7-5. « Elle jouait vraiment bien », a déclaré la joueuse ukrainienne en conférence de presse. « Mon but principal, c’était de me battre. Et je me suis battue. C’était un come-back difficile. Je ne m’en pensais pas capable avec ce qu’il se passe dans mon pays. Ma famille est là-bas. C’est une période difficile. Surtout les premiers jours, quand tout a commencé. » Mais ce que l’histoire retiendra, c’est l’accolade entre les deux joueuses, qui viennent du même pays en guerre. En effet, Zanevska est d’origine ukrainienne ; elle est née à Odessa, alors que Kostyuk est originaire de la capitale encerclée par les Russes, Kiev. Toutes deux ont laissé derrière elle une famille qui subit les bombardements quotidiens et une guerre horrible. « Maryna est une ancienne joueuse ukrainienne, elle a changé sa nationalité il y a quelques années », a expliqué la 54ème joueuse mondiale. « Ses parents sont en Ukraine, dans une zone plus calme. Tout le monde a peur. À la fin du match, je lui ai dit qu’elle avait joué de manière incroyable et que tout allait s’arranger, que nos parents allaient s’en sortir. »

Loin d’être la seule joueuse ukrainienne à souffrir de voir son pays en guerre – nous avons déjà parlé ici d’Elina Svitolina (n°18), ou encore de Dayana Yastremska (n°103) -, Marta Kostyuk s’est ainsi confiée sur son état mental. En effet, elle doit continuer à pratiquer son métier de joueuse professionnelle, alors que tout sa famille ou presque est bloquée en Ukraine. « Ça m’a beaucoup aidée de venir ici et de voir les autres filles souffrir autant que moi », a-t-elleexpliqué. « On partage nos expériences, nos sentiments. C’est terrifiant. Les premiers jours, toute ma famille était là-bas, rassemblée dans la même maison. Si quelque chose était arrivé, j’aurais perdu toute ma famille d’un coup. Rien que d’y penser, pfff… Tu te couches sans savoir si, au réveil, tu auras encore une famille. C’était mon état mental les premiers jours. Puis, progressivement, on s’habitue à la situation, on comprend ce qu’il se passe, qui fait quoi, la tactique des Russes… De toute façon, c’est impossible de rester dans l’état des premiers jours, sinon on devient fou ! C’est inexplicable et très choquant. » L’essentiel pour ces joueuses ukrainiennes, c’est de recevoir un vrai soutien de la part de leur entourage et des gens qui les suivent sur le circuit au quotidien. Visiblement, Marta Kostyuk est bien entourée, ce qui l’aide à surmonter cette difficile épreuve. « Je ne me sens pas seule depuis le début de la guerre », a ajouté la joueuse de 19 ans. « J’ai été entourée. J’étais à Monaco quand tout a commencé. Ma meilleure amie, Kata Zavatska, est venue me voir parce qu’elle était seule. On s’est mutuellement aidées. Ses parents étaient également là-bas. Mon équipe m’a bien entourée, leur soutien a été incroyable. Ensuite, j’ai voyagé ici et je suis immensément reconnaissante, je ne sais pas à qui, peut-être à Dieu, que ma mère ait pu me rejoindre. Je ne me suis jamais sentie aussi unie à mon pays et au peuple ukrainien qu’aujourd’hui. Nous sommes une grande famille. »

Finalement, ce qui gêne le plus l’Ukrainienne est de ressentir une sorte de déception, notamment envers les joueuses russes. Elle ne sent aucune empathie de leur part et souhaiterais échanger un peu plus avec elles sur cette guerre injuste. « Pour ce qui est du circuit, ce qui est très décevant, c’est qu’aucune joueuse russe ne soit venue me voir », a confié Marta Kostyuk. « Aucune ne m’a dit être désolée pour ce que leur pays est en train de faire subir au mien. Une joueuse m’a envoyé un message, une autre a discuté avec moi, mais je n’ai entendu aucune excuse, je n’ai entendu personne me dire qu’il ne soutenait pas ce qu’il se passait. Pour moi, c’est choquant. Il n’y a pas besoin d’être impliqué en politique pour se comporter comme un être humain. Tout le monde sait ce qu’il se passe. Ça me blesse. » Pourtant, certains joueurs russes ont communiqué via les réseaux sociaux pour exprimer leur désaccord avec ce conflit lancé par le président de la Russie. Mais ce n’est pas suffisant pour la joueuse ukrainienne. « Je n’aime pas ça », a ajouté la native de Kiev. « Encore une fois, pas besoin d’être impliqué en politique pour savoir ce qu’il se passe, qui a envahi qui, qui bombarde qui… C’est très simple. Tu ne peux pas être neutre dans cette situation (…) Pour moi, ces communiqués n’ont pas de sens. Ils sont vides ! » Déçue, mais pas encore déchue dans le désert californien, Marta Kostyuk aura les yeux du monde rivés sur elle tant que l’Ukraine subira la guerre. Comme toutes les joueuses et tous les joueurs de son pays.

Article rédigé par Yannick Giammona
Crédit photos : @JJlovesTennis

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