Il y a quelques semaines, Florent Serra, ancien 36ème joueur mondial, s’est exprimé pour nos confrères de Tennis Break News sur la préparation mentale du joueur de tennis et la gestion du stress qu’il peut y avoir durant un match. Un entretien intéressant, que nous voulions vous relater ici.
Classé 36ème mondial à son meilleur en 2006, le Bordelais Florent Serra n’a jamais vraiment été une star du circuit ATP. Pourtant, son analyse est toujours bonne à prendre, notamment quand il aborde des sujets comme la préparation mentale et la gestion du stress. Il y a quelques semaines, il a évoqué ces sujets qui prennent de plus en plus de place dans le monde du tennis, suite à la sortie du documentaire de l’Américain Mardy Fish, au cours duquel on pouvait voir sa nervosité en dehors des courts avant de venir lui pourri la vie en match. Le joueur français a ainsi partagé sa propre expérience, expliquant comment ce stress se manifestait chez lui. « Il se manifestait de diverses manières », a-t-il confié à nos confrères de Tennis Break News. « Je faisais des crises d’urticaires entre 2004 et 2008. Parfois, je me réveillais avec un œil gonflé, je ne savais pas pourquoi. C’était épisodique et je n’ai jamais su pourquoi j’avais cela. J’avais également tendance à être nerveux avant ou pendant les grands évènements, je pouvais avoir peur de ne pas être à la hauteur, je pouvais être timoré contre des joueurs très bien classés. Je n’avais peut-être pas assez confiance en mes capacités, il y avait sans doute un complexe d’infériorité. Beaucoup de choses sur le plan mental sont conditionnées par la manière dont on a été éduqué. Moi, j’ai été élevé dans la culture de l’humilité et la discrétion, je pense que cela a joué dans ma manière de jouer à certains moments. Il faut avoir une grosse estime de soi, un ego très fort, une envie de marcher sur l’adversaire pour gagner des gros titres. » A cause de cette nervosité, Florent Serra a pu passer à côté de certaines opportunités, lui qui n’a jamais passé le troisième tour en Grand Chelem. Il s’est d’ailleurs souvenu de quelques rencontres où il est un peu passé à côté. « L’un des premiers, c’est contre Vincent Spadea en 2003, alors tête de série 18, en 2003 sur mon premier Roland Garros. J’ai 9 balles de match et dans les moments chauds, je fais des doubles fautes en faisant des tranches parce que je suis très tendu », a expliqué l’ancien joueur de 40 ans. « En 2008, j’ai l’occasion de me qualifier pour un huitième de finale à Roland-Garros et je joue Robin Ginepri, un joueur prenable sur terre battue. J’ai clairement un coup à jouer sur ce match mais je n’ai pas bien géré. J’ai déjà un peu l’impression d’avoir réussi mon tournoi, je suis un peu timide sur le terrain… Je perds 6-4, 6-4, 6-4. Avec plus d’expérience de ces matchs importants sur ces grosses échéances, je pense que j’aurais probablement mieux préparé ce match. »

Cependant, il ne faut pas oublier que Florent Serra compte cinq belles victoires sur des membres du Top 10 de l’époque, ce qui amène à se demander ce qui a pu être différent lors de ces matches qu’il a fini par remporter. « Contre Lleyton Hewitt, aux Masters Series de Montreal, je gagne sur abandon », a-t-il tenu à préciser. « Mais fair play, il m’a avoué qu’il aurait sans doute perdu ce match sans sa blessure. C’est vrai que je sentais très bien la balle ce jour-là, j’ai joué de manière très relâchée. A Amersfoot, contre Davydenko en 2007, je perds le premier set 6-4 et je joue sans complexe, en étant agressif et je remporte les deux autres sets 6-1 6-1. Les éléments étaient bien alignés ces jours-là et j’arrivais à trouver cet équilibre que j’évoquais auparavant. » En ce qui concerne sa préparation mentale, Florent Serra a expliqué comment il l’avait travaillée tout au long de sa carrière, sachant qu’il avait des ressources à sa disposition grâce à la Fédération française de tennis. « En 2003, au début de ma carrière, j’ai essayé de travailler avec un psychologue de la Fédération mais ça n’a pas été concluant », a confié le Tricolore. « J’ai plutôt essayé de trouver des solutions par moi-même ou avec mon coach. Cela s’est traduit de diverses manières. J’ai fait du yoga, des exercices de visualisation. Je lisais pas mal de livres sur le sujet. Il y en a qui me vient en tête, c’est ‘L’athlète intérieur’ de Dan Millman, qui est un peu un classique sur cette thématique. C’est un livre qui aborde beaucoup les questions d’harmonie du corps avec son environnement, l’expression des forces sans effort, la capacité à exprimer du relâchement en gardant la tonicité. On revient encore au même sujet, comme je disais, je cherchais beaucoup cet équilibre dans ma manière de frapper la balle. Est-ce que c’était une erreur de travailler tous ces sujets par moi-même ? C’est possible. Je me suis amélioré sur le plan mental mais peut-être pas de manière aussi explicite que si j’avais travaillé avec un spécialiste. »

Finalement, Florent Serra a livré son point de vue sur la façon dont la FFT travaille aujourd’hui cette question primordiale de la préparation mentale. « Personnellement, j’ai beaucoup aimé le système qui avait été mis en place par la Fédération Française », a déclaré l’ancien 36ème mondial. « J’avais un bon préparateur physique notamment et de bonnes infrastructures à disposition. Mais je pense que notre instance peut progresser sur la prise en compte de l’aspect médical et sur la préparation mentale. Ce qui est sûr, c’est que ces structures fournissent un cadre et si on veut se spécialiser sur certains domaines, c’est également bien pour un joueur d’aller voir ce qui se fait ailleurs. J’ai appris cependant qu’il y a une nouvelle structure de préparation mentale qui va être mise en place prochainement par la Fédération. C’est un ancien entraîneur fédéral, Olivier Béranger, qui s’est spécialisé sur cette thématique, qui va la diriger. Plus globalement, je pense que la Fédération pourrait se servir plus de notre expérience d’anciens joueurs, car on a une certaine expérience de la vie sur le circuit qui peut être une bonne valeur ajoutée en matière de formation, pour les jeunes qui veulent franchir le pas du professionnalisme. Je parle de préparation mentale, mais pas seulement. Toutes ces questions de prévention médicale, de gestion de carrière, les difficultés à surmonter, tous les aspects financiers à assimiler, c’est quelque chose d’intéressant à aborder pour des jeunes qui ont 14-15-16 ans et qui ont un bon niveau. »
Crédit photos : @Tennisleader, @TennisWorlden, @chuwie_chubaka
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