Ce lundi, nous avons décidé de revenir sur l’histoire du Letton Ernests Gulbis (n°196), âgé de 33 ans. En quelques années, il est passé d’un membre du Top 10, qui était l’un des meilleurs joueurs de sa génération, à un tennisman banal, qui erre sur le circuit secondaire sans gloire ni succès.
Lorsqu’il a fait irruption sur le circuit masculin à la fin des années 2000 (il est passé pro en 2004), le Letton Ernests Gulbis (n°196) était comme une bouffée d’air frais. Il était alors l’un des joueurs les plus côtés de sa génération et il a côtoyé les meilleurs joueurs de l’époque, mettant Rafael Nadal (n°6) lui-même dans les cordes, sur terre battue, et battant plusieurs fois Roger Federer (n°9). Seul Novak Djokovic (n°1) lui a résisté, notamment lors de sa seule demi-finale en Grand Chelem, à Roland-Garros en 2014. L’histoire du joueur letton commence à Riga, en 1988. Ernests Gulbis est né dans la famille la plus riche de son pays. Son père, Ainars, était un entrepreneur d’art bien connu en Lettonie, qui a fait fortune après la chute de l’URSS. Il a épousé Milena, une célèbre actrice lettone, fille d’Uldis, qui était un réalisateur très réputé dans les années 1960 et 1970. Son grand-père paternel, Alvils Gulbis, était l’un des quintettes d’ASK Riga, la célèbre équipe de basket-ball, triple champion d’Europe en 1958, 1959 et 1960. Avec un tel CV, Gulbis, prénommé Ernests en l’honneur du célèbre écrivain Ernest Hemingway, était destiné à être artiste ou sportif. Il a choisi la deuxième option. Pendant des années, il a combiné le basket-ball avec le tennis. Sa grand-mère lui a fait découvrir le virus de la raquette et il a atteint un âge où il a dû choisir ce qu’il voulait faire. « Je n’étais pas très bon dans les sports d’équipe. J’étais un garçon très solitaire, c’est pourquoi j’ai opté pour le tennis », avait déclaré le principal intéressé, dans une interview il y a quelques années. Ainsi, son père l’a emmené à l’académie de Nikola Pilic. Il est passé par Munich de 12 à 18 ans. Là, il a croisé le fer, entre autres, avec un certain Novak Djokovic. Ernests Gulbis était l’un des garçons les plus en vue. Dès son plus jeune âge, le talent lui est tombé dessus. Sans surprise, il a rapidement commencé à se démarquer. Il a peu joué chez les juniors. Seulement trois tournois, dont un remporté. Le Letton avait peu d’intérêt à construire sa carrière sans beaucoup de motivation pour lui-même. C’est pourquoi il a immédiatement commencé à jouer dans des tournois du circuit ITF et s’est rapidement hissé au sommet, jusqu’à ce que sa tête apparaisse progressivement sur le circuit principal. Là, son immense talent a éclaté au grand jour, mais aussi son caractère si particulier et sa façon d’être.

On peut dire que Ernests Gulbis, en terme de talent, avait peu de rivaux qui pouvaient l’égaler à la fin des années 2000. Il a émergé en même temps que d’autres joueurs de tennis comme Djokovic, Marin Cilic, Kei Nishikori ou encore Juan Martin del Potro, et il était le mieux côté pour avoir une grande carrière. Le problème, c’était sa tête. Hernán Gumy, entraîneur de renom, l’a parfaitement défini. « Ernests est comme Safin. S’il est dans un bon jour, il peut battre n’importe qui. Mais s’il n’est pas motivé, il n’en mettra pas une à l’intérieur », avait-il assuré. Le Letton a grandi en jouant de grands événements, dans des grands stades et contre des grands rivaux. S’il jouait sur des courts annexes, cela ne l’attirait pas. « Heureusement pour moi, l’argent n’est pas un problème. Je ne joue pas pour l’argent ou la gloire. Cela ne me motive pas. Ma motivation est de vouloir être n°1. Pour me montrer que je peux être meilleur que les autres », avait commenté Gulbis à une époque. Très vite, il s’est mis à côtoyer les meilleurs. Il a disputé ses premiers quarts de finale à Roland-Garros alors qu’il n’avait même pas vingt-cinq ans, en 2014. Là, Novak Djokovic l’a arrêté, et il est presque devenu sa kryptonite. Le Letton a dit de lui que lorsqu’il a commencé à émerger et à remporter des titres, que « ses yeux ont changé ». Le caractère du joueur letton lui a apporté plus d’une polémique en conférence de presse. Comme ce jour où il avait failli battre Rafael Nadal à Rome, en 2013. Le Letton était à un point d’éliminer le Majorquin sur sa surface préférée. Il a fini par tomber en trois sets 6-1, 5-7, 4-6 et il avait ensuite déclaré qu’il ne méritait pas de perdre et qu’il avait été meilleur que son rival. « Si en étant meilleur on comprend frapper la balle le plus fort possible, qu’elle soit dedans ou dehors, alors oui, il a été meilleur que moi », avait répondu Nadal, lui reprochant de faire tout pour casser le rythme.

Ernests Gulbis a été hanté par l’irrégularité tout au long de sa carrière. Il a alterné de très bonnes années, avec d’autres moins bonnes. Pourtant, il a réussi à être dans le Top 10. Il n’a eu que deux bons résultats en Grand Chelem, à Roland-Garros en 2008 (quarts de finale) et en 2014 (demi-finales). Il a toujours eu du mal à trouver la motivation dans les premiers tours, en jouant sur des courts annexes. Depuis, les choses ont beaucoup changé pour lui. Après avoir rompu avec Gunter Bresnik, sa carrière a pris toute une autre direction. Il n’a plus jamais été le même joueur. Il a fini par trouver l’amour avec Tamara Kopaleyshvili, avec qui il s’est marié et a eu une fille, laissant derrière lui sa renommée de fêtard, mais sa carrière n’a jamais eu de retour et il a presque complètement disparu du circuit. Ce n’est qu’en 2018 qu’il a été revu aux sommets, battant Alexander Zverev à Wimbledon et se qualifiant pour la deuxième semaine du tournoi. Aujourd’hui, il continue de jouer pour l’amour du tennis même si à 33 ans et sans problèmes d’argent, la seule chose qui le motive encore est de pouvoir jouer des tournois du Grand Chelem. D’ailleurs, alors qu’il est à quelques places de sortir du Top 200, il a déclaré qu’il prendrait bientôt sa retraite s’il n’était plus capable de revenir près du Top 100. Peut-être que ce qu’il a manqué à Ernests Gulbis, c’est l’envie de travailler plus, comme certains de ses rivaux de l’époque ont commencé à le faire, pour ne pas se reposer seulement sur son immense talent. Il était l’archétype du joueur qui détestait l’entraînement et voulait juste jouer en compétition. S’il avait joué à la fin des années 80 ou au début des années 90, on parlerait peut-être d’un joueur avec un meilleur bilan. Bien sûr, il a laissé des moments inoubliables dans lesquels on peut se replonger avec grand plaisir. Le seul regret est que ce talent méritait peut-être de meilleurs statistiques et plus de titres que les six qu’il a remportés sur le circuit ATP entre 2010 et 2014.
Crédit photos : @LeSportixx, @RMCSport, @TeregaOpen
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