A quelques jours seulement du début de Roland-Garros, nous poursuivons notre série « Il était une fois… » avec quelques grands souvenirs du Grand Chelem parisien. Et quoi de mieux, pour démarrer, que de se souvenir du premier des treize titres du maîtres des lieux, Rafael Nadal ? Nous revenons ainsi sur son parcours, en 2005, quand le Majorquin triomphait Porte d’Auteuil à seulement 19 ans.
Pour Rafael Nadal, la grande épopée a commencé le 23 mai 2005. Tête de série n°4, le Majorquin entre en lice dans le tournoi en affrontant l’Allemand Lars Burgsmüller, sur le Court n°1, à dix jours de son dix-neuvième anniversaire. Déjà très médiatisé avant son tout premier match Porte d’Auteuil, il a d’ores et déjà droit à un grand court. En effet, il aurait déjà pu jouer à Roland-Garros en 2003 et 2004, mais des blessures au coude et à la cheville gauche l’avaient alors contraint de déclarer forfait. Ce n’était que partie remise. Alors classé n°5 mondial, Rafael Nadal a connu un printemps déjà exceptionnel, s’imposant à Monte-Carlo (en éliminant au passage Gaston Gaudio, vainqueur à Roland-Garros en 2004), Barcelone (en battant en finale Juan Carlos Ferrero, vainqueur Porte d’Auteuil en 2003) et Rome. La seule chose qui l’inquiète en arrivant à Paris, c’est qu’un autre jeune espoir du tennis mondial, un certain Richard Gasquet (vainqueur de Roger Federer, alors n°1 mondial, à Monte-Carlo), se trouve dans sa partie de tableau. En attendant, il démarre de façon correcte face au joueur allemand, 96ème mondial, qu’il élimine en trois sets 6-1, 7-6 (4), 6-1. S’il ne semble pas complètement satisfait de sa prestation, le Majorquin est déjà un adversaire sérieux et professionnel. Au tour suivant, il vient à bout du Belge Xavier Malisse (alors 46ème joueur mondial) sans aucune difficulté, en trois sets 6-2, 6-2, 6-4. Vient alors le tant attendu troisième tour face au Français Richard Gasquet.

Ce dernier est tête de série n°30, classé 31ème mondial au classement ATP. Il a perdu un petit set face à un lucky loser au premier tour mais a franchi le tour suivant sans aucune difficulté. Fort de sa première victoire face au n°1 mondial Roger Federer, on s’attend à un vrai combat mais il n’en est rien. Rafael Nadal, avec son pantacourt et son bandana, est déjà trop fort. Si Richard Gasquet parvient à le faire douter sur quelques points, le Majorquin développe son jeu de terre battue sur le Court Central et le Tricolore aura même un coup de chaud dans la troisième manche. Résultat, la tête de série n°4 du tournoi s’impose en trois sets 6-4, 6-3, 6-2. « Tout le monde me parlait de lui », déclarait le Sudiste à nos confrères du quotidien L’Equipe, il y a environ un an en se rappelant de cette rencontre. « De moi aussi mais c’est le problème en France. Tu es jeune mais tu dois tout le temps prouver, c’est comme ça. En Espagne, tu grandis plus facilement. Mais oui, il y avait une rivalité avec Nadal. Ce match aux Petits As qu’on m’a raconté une centaine de fois (Gasquet, 12 ans, avait dominé Nadal en demi‐finales avant de remporter le tournoi, ndlr). Je le voyais comme meilleur avec moi de cette catégorie d’âge. L’année d’avant à Estoril, j’avais perdu en trois sets et je voyais la progression.… A Roland, il y avait beaucoup d’attente, énormément d’articles. Et 33 degrés. La balle giclait partout. J’ai senti que ce n’était plus le même joueur. Il venait de gagner Rome. Le terrain était très rapide, c’était vraiment monstrueux. » Un autre joueur français, Sébastien Grosjean, allait lui aussi subir la loi de l’Espagnol en huitièmes de finale. Encore classé 24ème mondial et tête de série n°23 du tournoi, celui qui avait été demi-finaliste en 2001 s’approchait de la fin de sa carrière, à 27 ans. Et pourtant, il allait être le premier à prendre un set au Majorquin Porte d’Auteuil, au cours d’un match disputé sur deux jours en raison de l’arrivée de la pluie. Ce qui n’allait pas empêcher Rafael Nadal de poursuivre son parcours en s’imposant en quatre sets 6-4, 3-6, 6-0, 6-3. Il ne fallait pas l’énerver en prenant la seconde manche.

En quarts de finale, c’était au tour d’un autre joueur espagnol, David Ferrer (alors classé 21ème mondial et âgé de 23 ans), d’affronter Rafael Nadal. Les deux hommes n’en étaient pas à leur premier… ni à leur dernier affrontement ! D’ailleurs, la première manche allait être très accrochée, Nadal s’en sortant in extremis avec un petit break d’avance en fin de set pour éviter le tie break. Une fois ce début de rencontre passé, il allait dérouler et écraser son adversaire grâce au poids de sa balle et çà son lift qui deviendra légendaire. Ainsi, il s’imposait de nouveau en trois sets : 7-5, 6-2, 6-0 (!). En ne perdant qu’un seul set au passage, Rafael Nadal était donc qualifié pour les demi-finales de Roland-Garros à sa toute première participation. On pensait alors que les choses sérieuses allaient pouvoir débuter, puisqu’il rencontrerait le n°1 mondial, le Suisse Roger Federer, déjà vainqueur de quatre titres en Grand Chelem, même s’il disputait lui aussi sa première demie Porte d’Auteuil. Ce match a ainsi des allures de finale avant l’heure. Tiendra-t-il toutes ses promesses ? On peut dire que oui, même si le Majorquin balaye tout sur son passage en moins de trois heures de jeu. Après une première manche à sens unique, remportée six jeux à trois en 43 minutes par l’Espagnol, le joueur helvète réagit. Federer retrouve sa classe et son efficacité et même si Nadal se bat sur toutes les balles, c’est bien le Suisse qui prend l’ascendant quatre jeux à zéro en 20 minutes. Il revient ainsi à une manche partout (6-3, 4-6), même si le Majorquin se reprend vite et est à deux doigts d’égaliser. La suite, c’est du Nadal tout craché : il reprend le match en main et ne lâchera plus son emprise, malgré quelques coups de génie de Federer, salués par le public qui ne s’y trompe pas. Le Suisse ne tient plus le rythme en fond de court, son service le lâche et l’Espagnol finit par s’imposer en quatre sets 6-3, 4-6, 6-4, 6-3 pour s’offrir sa 23ème victoire d’affilée sur terre battue et une finale face à un adversaire surprise.

Cet adversaire, il s’agit de l’Argentin Mariano Puerta (alors classé 37ème mondial), tombeur de Guillermo Canas et Nikolay Davydenko lors des deux matches précédents. Pour sa première finale en Grand Chelem, disputée le 5 juin 2005, Rafael Nadal s’attendait à tout sauf à rencontrer cet adversaire revenu de nulle part car suspendu en 2003 pour usage d’un produit dopant. Le niveau de jeu atteint lors du premier set est exceptionnel. Puerta marche sur l’eau et fait gicler la balle presque mieux que Nadal. Durant 72 minutes, les deux hommes vont se rendre coup pour coup et il faudra un jeu décisif, remporté huit points à six par l’Argentin, pour les départager. Jamais depuis le début de la quinzaine un joueur n’avait autant poussé le Majorquin dans ses retranchements. La réaction de Rafael Nadal ne se fait pas attendre et les deux sets suivants sont à sens unique. L’Espagnol reprend ainsi l’avantage (6-7 [6], 6-3, 6-1). Vient alors la quatrième manche, un nouveau sommet dans ce duel final. Puerta expérimente tout et fait abstraction d’une cuisse endolorie. Il plonge à plusieurs reprises dans le filet, contrôle le plus souvent l’échange et sort des points qui défient les lois géométriques. Par trois fois, il a l’occasion de remporter cette quatrième manche. Le public, qui meurt d’envie d’en avoir une cinquième, se met à scander son nom. Seulement, en face, Nadal ne lâche absolument rien. S’il est jeune, il est déjà un grand champion. Il est comme possédé. il bondit et rugit un « Vamoooooos ! » à chaque coup gagnant. Quand le score est de 5-5, il prend enfin le service adverse et au bout de 3h24 de jeu, après un ultime coup droit de Puerta dans le couloir, il peut tomber à terre : il vient de remporter son premier titre en Grand Chelem, le premier d’une longue série à Roland-Garros. Ce sacre marquera le début d’une domination sans partage, qui pourrait encore se poursuivre en 2021, seize ans après…
Crédit photos : @TennisMagazine1, @WeAreTennisFR, @MendezVega, @camerlengo73_2
À LIRE AUSSI :
Il était une fois… 1985, quand Yannick Noah devenait le seul joueur français au palmarès à Rome
Roger Federer et un retour sur terre qui laisse un goût amer…
5 réflexions au sujet de “Il était une fois… 2005, quand Rafael Nadal remportait son premier titre à Roland-Garros”