Analyses

Coronavirus – La situation des entraîneurs vue à travers le regard de Sam Sumyk

Sam Sumyk est depuis longtemps entraîneur sur le circuit WTA. Il a notamment accompagné des joueuses aux sommets, comme Victoria Azarenka (n°58) ou encore Garbiñe Muguruza (n°16). À travers une interview accordée à nos confrères du quotidien L’Equipe, il a pu constater une précarisation de son métier, accentuée par la crise actuelle.


Sam Sumyk, vous connaissez peut-être son nom, voire même son visage. De 2010 à 2015, il s’est occupé de la Biélorusse Victoria Azarenka (n°58), la menant à la place de n°1 mondiale avec deux titres à l’Australian Open (2012 et 2013) au passage. Il a ensuite entraîné l’Espagnole Garbiñe Muguruza (n°16), qui sous son égide a également été n°1 mondiale en remportant notamment Roland-Garros en 2016 et Wimbledon en 2017. Il n’est donc pas le premier venu dans le milieu du tennis féminin et, ce lundi, nous avons voulu à travers son regard vous parler de la situation des entraîneurs suite à la crise liée au COVID-19. Sam Sumyk se considère, en quelque sorte, comme quelqu’un de privilégié mais, dans le monde impitoyable des coaches, il constate une précarisation du métier. Voici ce qu’il a répondu, dans les colonnes du quotidien L’Equipe, quand on lui a demandé s’il connaissait des entraîneurs en difficulté dans cette période particulière : « Oui, forcément. On l’est tous plus ou moins. À l’heure actuelle, on sait dans quelle situation se trouve la planète et il y a évidemment des gens beaucoup plus mal lotis que nous. On n’est pas des victimes non plus. Mais avec le circuit à l’arrêt, beaucoup de coaches n’ont pas de revenus. Pas que les coaches, tous les gens qui gravitent autour du circuit n’ont pas de revenus. Il y a très peu de privilégiés dans notre profession. »

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Récemment séparé de la dernière joueuse qu’il a entraînée – la Russe Anastasia Pavlyuchenkova (n°30) -, l’entraîneur français a assuré qu’aucune indemnité ni aides ne sont prévues pour les coaches, que ce soit sur le circuit ATP ou sur le circuit WTA. « À ma connaissance, un entraîneur n’a aucune protection sur le circuit », a-t-il ainsi indiqué. « On n’a aucune indemnité. Peut-être que certains ont des contrats bien spécifiques ? Je ne sais pas. Nous, on n’est pas du tout des employés de la WTA, on ne signe rien, contrairement aux joueuses. » Il n’y aurait même aucun syndicat, aucun regroupement qui permettrait aux entraîneurs d’avoir plus de force dans des moments délicats comme celui-ci, lié à la pandémie de Coronavirus. « Il y a quelques années, certains avaient essayé de créer quelque chose mais je crois que c’est tombé à l’eau », a expliqué Sumyk à propos de la création d’une sorte de syndicat de coaches. « Ce serait bien de créer un syndicat géré par des gens désintéressés. Sans rentrer dans la victimisation, nous sommes des produits recyclables. Ça se voit toutes les semaines sur le circuit. Il y a quand même des fins d’association qui semblent un peu surprenantes voire grotesques vu de l’extérieur. Après, il faudrait être à l’intérieur de l’équipe pour connaître les vraies raisons. Parfois, ça semble très bizarre. Je viens d’en avoir la preuve et d’en faire ma propre expérience. À mes yeux et ceux de toute l’équipe, il n’y avait aucun souci. Les résultats étaient bons et apparemment, ça ne nous garantit pas de garder notre job. Beaucoup d’entraîneurs sont dans des situations compliquées, je fais partie des privilégiés mais beaucoup d’entre nous n’ont pas ma chance. »

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Sam Sumyk est ainsi revenu sur cette rupture avec la joueuse russe, qui l’a remercié juste après l’annonce de l’annulation du tournoi d’Indian Wells, au début du mois de mars. « Quand elle a décidé d’arrêter, elle a appelé toute l’équipe dont moi », a-t-il raconté. « Arrêter avec un athlète ne me surprend pas, ce qui me surprend, ce sont ses déclarations. J’ai eu vent d’une interview qu’elle a faite en Russie et là, c’était inapproprié et irrespectueux. » Pour rappel, après un peu plus de six mois de collaboration, Pavlyuchenkova ne se sentait pas à l’aise avec la méthode de travail de Sumyk. Lors d’une interview accordée au site russe Kommersant, elle a déclaré avoir senti que le changement de programme d’entraînement hors saison, ainsi que la mauvaise planification du calendrier des tournois, avaient joué un rôle dans une blessure à la hanche qui l’avait affectée après l’Australian Open. Elle a également fustigé le coach français d’avoir un ego surdimensionné. « Les coaches avec un ego, ça ne me fait ni chaud, ni froid car il y a sûrement une part de vrai », a concédé Sumyk. « Je ne connais pas personnellement tous ses coaches précédents. Je pense que la communauté des coaches n’a pas plus d’ego que le reste de la planète. Chaque individu a un ego. Ce qui est choquant, ce sont les raisons qu’elle donne à cette rupture car ce n’est pas ce qu’elle a dit à l’équipe et ça ne reflète pas la réalité. C’est tout. Elle a le droit de raconter ce qu’elle veut au monde entier, moi je sais. Je pense qu’on travaillait très bien, elle a fait du très bon travail, l’équipe s’entendait très bien. Pour preuve, le soir où on s’est tous quitté, elle nous a invités dans sa maison à Indian Wells pour un repas russe. Quand on ne se sent pas bien avec les gens, on ne les invite pas chez soi. Je sais pourquoi elle est venue me chercher. Ma mission était très claire. En peu de temps, on a eu de très bons résultats. C’est inachevé mais c’est la règle du jeu. Ce sont des choses qu’on doit accepter en tant qu’entraîneur. Après, il y a des façons plus ou moins respectueuses pour le faire. »

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D’ailleurs, Sam Sumyk s’est exprimé sur les changements incessants et réguliers d’entraîneurs que font beaucoup de joueuses du circuit féminin. « Je crois que ça reflète le monde dans lequel on vit, c’est-à-dire le manque de patience en général », a-t-il expliqué. « Dans le sport, on est dans un milieu très compétitif et notre longueur de vie avec un ou une athlète dépend des résultats. Pour aller loin, il faut se donner un peu de temps et dans notre société, on veut tout immédiatement et en général, on l’obtient. On est à un clic de tout. On veut commander quelque chose, hop un clic. Nous, les coaches, on est un peu dans cette sphère-là. Après, il y a aussi un système de valeurs. » Enfin, le Tricolore s’est exprimé sur la suite de la saison dans le monde du tennis et sur son avenir en tant qu’entraîneur. « Il y a des choses beaucoup plus importantes en ce moment que Sam Sumyk qui recherche du travail et qui est prêt à repartir avec un ou une athlète », a-t-il conclu. « Le monde du tennis est à l’arrêt. Personne ne se voit et se côtoie. Ce sera beaucoup plus compliqué pour retrouver du travail. Mais mon envie est toujours la même : entraîner homme ou femme, bien classé ou moins bien classé. Je serais ravi d’avoir une expérience sur le circuit masculin. Je pense que quand on est un entraîneur de tennis, on peut entraîner n’importe qui. Je suis ouvert. J’aime vraiment entraîner et je suis curieux de voir ce que je pourrais faire dans une autre aventure. Je n’écarte aucune option. Depuis peu, en parallèle de l’entraînement, j’ai envie d’échanger sur le haut niveau, la haute performance, l’excellence, le processus. »

Crédit photos : @JJLovesTennis, @Welovetennis,  @titrespresse

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