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Rencontre avec… Antoine Hoang

En cette période de fêtes de fin d’année, nous vous dévoilons un entretien riche d’enseignements sur un joueur trop peu connu. Ce n’est que notre avis, mais savez-vous qu’Antoine Hoang, âgé de 23 ans, est entré dans le Top 150 en cette saison 2018 ? Peut-être avez-vous suivi les évolutions d’autres jeunes joueurs français comme Ugo Humbert et Corentin Moutet, et pas celle d’Antoine. Pourtant, comme il le dit dans cette interview, il mériterait parfois un peu plus de reconnaissance de la part des médias. Certes, il est un peu plus âgé que ses deux compatriotes, mais il a tout de même remporté son premier titre en Challenger en novembre dernier et validé son billet pour disputer les qualifications du premier tournoi du Grand Chelem de la nouvelle saison, à l’Australian Open en janvier prochain. Voilà pourquoi nous voulions faire un focus sur ce personnage attachant, qui ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à dire comment il ressent les choses dans son quotidien de joueur de haut niveau. Avec humilité et spontanéité, deux qualités qu’on ne pourra pas lui enlever. Nous vous proposons, en ce lendemain des fêtes de Noël, alors qu’il a déjà pris le chemin de l’Inde pour préparer les premiers tournois de l’année 2019, de partir avec nous à la rencontre d’Antoine Hoang…

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Bonjour Antoine, pouvez-vous nous dire d’où vous venez, quel a été votre parcours depuis vos débuts chez les jeunes jusqu’à aujourd’hui ?

Bonjour et merci pour l’interview. Je viens d’une petite ville à coté de Toulon. J’ai commencé le tennis en famille avec mon père qui m’a longtemps entraîné, mon frère et ma sœur. Je me suis entraîné pendant près de quatorze ans dans mon club à Toulon (TC Littoral). Je suis resté longtemps dans ma région jusqu’à valider une licence STAPS en entraînement, et c’est à ce moment que je me suis dit qu’il était temps pour moi de tenter de vivre mon projet encore plus intensément que je le faisais. Il y a deux ans, j’ai rejoint la « Provence Tennis Académie » basée à Aix-en-Provence, jusqu’à aujourd’hui où j’y suis encore.

Avec qui vous entraînez-vous au quotidien ? Avez-vous un coach qui vous suit ? Une équipe plus complète autour de vous ?

27067582_1992514370765237_5809485371508821810_nJe m’entraîne avec Lionel Zimbler depuis que je suis arrivé à Aix. À côté de ça, j’essaye progressivement (au fur à mesure de mes revenus et de mes axes de progression) de m’entourer d’un staff de plus en plus complet, compétent et impliqué. Je travaille donc maintenant en plus avec une coach mentale (Sandrine Chissos) et une préparatrice physique (Audrey Maragon) qui font parties de « My team plus ». Je pense avoir trouvé un bon équilibre au sein de cette équipe, donc j’en suis très satisfait. Quand je suis en tournoi, Lionel essaye de partir le plus souvent possible avec moi mais il n’est pas toujours disponible. Du coup, je vais partir de temps en temps avec un autre coach et faire parfois des tournois en autonomie.

Depuis 2016, vous avez remporté quatre titres sur le circuit ITF. Pouvez-vous nous parler un peu de ces victoires, que vous ont-elles apporté dans votre progression de jeune joueur professionnel ?

Elles m’ont bien sur apporté du plaisir sur le moment et de la confiance pour la suite. On s’entraîne tous les jours pour gagner des matchs et des tournois donc forcément, quand ça arrive, ça fait du bien et c’est un élan pour la suite. Après, jouer des Futures, en gagner c’est enrichissant, parce que c’est vraiment le premier contact avec les tournois internationaux, avec l’ambiance des tournois. J’ai beaucoup appris sur moi et sur mon jeu durant cette période-là (en faisant des erreurs aussi mais ça fait partie du jeu). Mais il ne faut pas oublier que c’est vraiment la première étape vers le plus haut niveau. Je ne m’en suis jamais trop contenté très longtemps, je voulais continuer à progresser pour jouer des plus gros tournois et essayer de les gagner, c’est sans fin. C’est finalement ce que j’arrive à faire petit à petit depuis plusieurs années, alors c’est bon signe je pense.

Cette année 2018 a été celle de la progression, avec un titre en ITF à Poitiers (15 000 $) au mois de mars, mais surtout beaucoup de participations à des Challengers et aussi à quelques tournois du circuit ATP. Parlez-nous un peu de la différence de niveau entre toutes ces catégories de tournois.

DoV2MubXoAAbkRqLe niveau de jeu va en s’améliorant au fur et à mesure qu’on joue les plus gros tournois, il ne faut pas se mentir. Les joueurs sont plus solides, plus consistants, mieux préparés physiquement que la plupart des joueurs en Futures. Mais ce n’est pas tellement en terme de qualité tennistique que la différence se fait de manière flagrante. En futures, pas mal de joueurs frappent très bien la balle et pourraient percer à plus haut niveau. Je pense que la différence se fait énormément dans la maturité des joueurs, dans leur état d’esprit. Plus vite un joueur devient mature, plus vite il se connaît, plus vite il passe des caps selon moi, parce que tout en découle. Les joueurs à plus haut niveau ont compris davantage de choses que les autres à mon avis. Moi-même, j’ai évolué et je ne suis plus le même qu’avant, il me reste encore des choses à apprendre pour passer d’autres paliers (et c’est ça qui m’amuse dans le tennis). Alors bien sûr, on trouvera des contre-exemples de joueurs talentueux qui ont réussit avec un état d’esprit et une mentalité qui ne correspondent pas vraiment au haut niveau, on en vient même à se demander comment ils ont fait. Mais je pense qu’il faut se méfier de ce qu’on voit à la télé, les réseaux sociaux etc.. Il faudrait voir comment ils se comportent au quotidien mais on arrive pas à très haut niveau par hasard, à mon avis.

Vous avez aussi remporté votre premier titre en Challenger, à Eckental au début du mois de novembre. Est-ce une sorte de consécration pour vous, le fruit de plusieurs mois de travail ?

Une consécration, non, parce que je pense que c’est une étape, au même titre que mon premier titre en Futures. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas satisfait de ce titre, c’était un objectif pour moi cette année de gagner un Challenger. Je me suis beaucoup entraîné pour ça, alors quand ça arrive forcément on se dit que ça valait le coup, sur le moment j’ai vraiment essayé d’apprécier le moment du mieux que je pouvais. En plus l’ambiance là-bas était super, les gens adorables, et pour la petite histoire la finale était le jour de mon anniversaire alors ils m’ont apporté un gâteau sur le terrain à la fin du match, c’était une journée parfaite avec des super souvenirs. Mais dès le lendemain, il fallait oublier un peu tout ça pour se remettre au travail. Parce que c’est ça le sport de haut niveau, et dans d’autres domaines de la vie c’est pareil je pense, c’est beaucoup de travail, de régularité dans les efforts pour se donner le maximum de chances d’atteindre ce qu’on veut mais on est sûr de rien (il ne faut avoir aucune attente de résultat), et quand on a la chance d’y arriver c’est un plaisir de courte durée. Je pense qu’il est préférable d’apprécier toutes les petites victoires, tous les petits pas qu’on fait au quotidien plutôt que d’espérer une forme d’accomplissement en cas de victoires.

Grâce à cette progression constante en 2018, vous avez atteint votre meilleur classement, une 143ème place mondiale. Vous êtes aujourd’hui n°145, est-ce vraiment important pour vous le classement ? Vous fixez-vous des limites ?

37692007_2050278078329807_8085365965824458752_nC’est important sans l’être, c’est un objectif de monter au classement, on joue tous pour ça parce que beaucoup de choses découlent de ça : des plus beaux tournois, plus d’argents, plus de monde, plus de kiff en général. Mais encore une fois dans le tennis, il ne faut avoir aucune attente. Tu te donnes à fond, à l’entraînement et en match, et seulement à la fin tu vois si tu es sur la bonne voie ou pas. La course au classement, du petit niveau jusqu’au plus haut niveau, ça peut être une source de motivation incroyable (même si c’est loin d’être la seule chez moi) et une source de stress ou de pression incroyable également parce que les deux sont étroitement liés. Si bien qu’on entend parfois en même temps « il faut jouer chaque point comme une balle de match » et d’un autre coté « j’aimerais bien jouer en match comme si je m’en foutais complètement, je jouerais mieux ». Il faut trouver son propre équilibre par rapport à ça, je pense, pour être bien et performer. De temps en temps, je regarde le classement comme source de motivation et de temps en temps, quand je suis un peu tendu, je me dis : « Antoine, le classement c’est vraiment pas le plus important, amuse-toi, profite du moment au lieu de te mettre la pression inutilement. » Pour parler des limites, je pense qu’on a pour limites celles qu’on s’impose, consciemment ou non. Est-ce qu’actuellement j’ai certaines limites ? Oui, mais j’essaye de les faire sauter les unes après les autres.

D’ailleurs, vous n’êtes plus très loin du Top 100 mais on parle peu de vous comme un espoir du tennis français, contrairement à d’autres joueurs comme Corentin Moutet ou Ugo Humbert. Cela vous gêne-t-il d’être dans l’ombre de ces joueurs ?

Oui et non, il y des avantages et des inconvénients dans chaque situation. Déjà, je voudrais dire que si on parle plus d’eux, c’est qu’ils le méritent plus que moi, ils sont mieux classés que moi et en étant plus jeunes, ce que je n’ai pas su faire à leur âge. Donc je suis content pour eux, en plus ce sont des amis alors je ne ressens pas de jalousie vis-à-vis d’eux. Après, je pense que chacun a son parcours. J’arrive à maturité un peu plus tard que certains, mais petit à petit je me rapproche du Top 100 alors parfois, je pense que je mériterais qu’on m’aide un peu plus, ou qu’on s’intéresse un peu plus à moi en général, au vu de mon investissement, mon parcours et ma progression ces deux dernières années. Je suis encore jeune et j’ai encore pas mal de bonnes années devant moi, je l’espère. Quand on voit la moyenne d’age du Top 100 et à quel age les joueurs prennent leur retraite maintenant, je me dis qu’il y a quelque chose à faire. Je pense parfois qu’on devrait privilégier les joueurs qui sont en progression, ceux qui sont en forme, et donner la chance à plus de joueurs (je pense aux wild cards, à des bourses etc), voir un peu plus au cas par cas. C’est un peu dommage pour moi, parce que j’ai toujours été en décalé dans ma progression avec les plus gros espoirs du tennis français. J’ai assez peu été aidé, j’ai dû quasiment tout gérer de manière autonome et faire mes preuves parce que j’étais jamais celui à qui on pensait à aider en premier. Je pense que si j’avais eu la même progression avec deux ans de moins, j’aurais obtenu beaucoup plus d’aides, alors qu’au fond deux ans dans une carrière c’est pas grand chose à mon avis, je n’ai que 23 ans. Ça reste mon avis, je préfère me concentrer sur ce que je dois faire pour progresser et après, le reste, on verra.

Avec votre classement, vous devriez participer aux qualifications de l’Australian Open en janvier prochain. Que ressentez-vous à l’idée de pouvoir peut-être intégrer le tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem ?

(Rires) La même chose que pour chaque match que je joue, beaucoup de motivation. J’essaye de raisonner avec beaucoup de détachement. En Grand Chelem, c’est démultiplié, forcément, alors à moi de trouver de quoi rééquilibrer la balance émotionnelle.

Comment préparez-vous la saison à venir ? Quel est votre programme pour l’inter-saison ?

27545553_1988659754728427_6568323631623963966_nJ’ai fini la saison avec les Challengers en indoor (Eckental, Mouilleron-le- Captif) puis les interclubs avec le TC de Marignane en N1A. Sinon j’ai pris une semaine de vacances après mon dernier tournoi et ça fait cinq semaines que je fais de la préparation foncière, avec notamment beaucoup d’entraînement physique parce que c’est un de mes axes de travail prioritaire pour 2019.

Mentalement, êtes-vous prêt à répondre aux attentes qui risquent d’être grandissantes autour de vous si vous continuez sur votre lancée ? Comment allez-vous gérer cela ?

(Rires) Si les attentes sont grandissantes, c’est que je pense être sur le bon chemin, alors j’essayerai d’avoir de la gratitude pour ça. Si elles se présentent j’essayerai de les gérer comme j’ai toujours fait, du mieux que je peux, en restant les pieds sur terre, en me recentrant sur mes priorités, sur ce qui marche pour moi. Au final soit j’arriverai à les gérer, soit elles me feront grandir pour la suite, dans les deux cas c’est positif.

Pour finir, pouvez-vous nous donner votre programme pour les premières semaines de la saison 2019 ? Quels seront vos premiers tournois et quels vont être vos objectifs pour cette nouvelle saison ?

17362543_1483604854997135_7762176516184944020_nJe vais commencer l’année par les qualifications du tournoi ATP 250 de Pune, en Inde (je vais fêter Noël dans l’avion, alors un peu de compassion s’il vous plaît…), avant d’aller à Melbourne pour les qualifications de l’Open d’Australie. C’est la premiere fois que je fais cette tournée alors ça va être riche d’enseignements, même si je n’y vais pas juste pour voir du pays, je vais donner le maximum. Ensuite, je vais enchaîner dans des conditions que je connais mieux, où j’ai plus de repères avec l’indoor en France (sûrement Rennes où j’ai bien joué l’année dernière, d’autres Challengers qui suivent, puis les qualifications des tournois ATP 250 de Montpellier et Marseille).

Merci Antoine d’avoir accepté de répondre à nos questions, nous vous souhaitons de bonne fêtes de fin d’année et bien entendu le meilleur pour 2019 !

Merci pour les questions, c’était un plaisir !

Propos recueillis par Yannick Giammona pour « Jeu, Set Et Match »
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11 réflexions au sujet de “Rencontre avec… Antoine Hoang”

      1. Je suis un ami d’enfance de son père, c’est mon plus vieil ami, mon ami de toujours, l’ami d’une vie et il a été un des témoins de mon mariage. On se voit peu, bcp de kms nous séparent, j’ai très peu vu Antoine dans ma vie, le tennis a fait que je ne l’ai pas vu grandir, il était souvent en compétition quand avec ses parents nous pouvions nous voir.
        J’ai vu Antoine à 3 ans et demi, voyant ses parents, son frère et sa soeur aînés jouer au tennis, il avait voulu débuter. Et son père les faisait jouer tous les jours sur leur terrasse. Son papa a été 3/6 et pour financer ses études donnaient des courts lorsqu’il était étudiant.
        Son idée était d’éduquer ses enfants avec le sport, de les habituer aux trajectoires, de leurs donner une notion de leurs corps par le sport.
        A 3 ans et demi, Antoine savait faire absolument tous les coups du tennis… Quand je dis « tous les coups » ce sont toutes les différentes frappes…. Slice, plat, lift aussi bien au service, qu’à la volée ou au smash….
        Il lançait une balle de tennis en hauteur et d’un coup de pied la reprenait de volée à hauteur de hanche, ce n’était pas une fois mais systématiquement.
        En voyant cela, j’ai dit à son père, c’est hallucinant, il est ultra doué, c’est un futur champion, avec la gestuelle et la coordination qu’il a a son age, il a tout pour devenir trsè très très bon…
        Son père dit « mais non, n’exagère pas ». « je n’exagère pas Francis, tu sais que je suis kiné, des enfants, j’en vois passer, il a une avance considérable dans son développement psychomoteur, ce genre de chose n’est normalement pas acquis à 3.5 ans, c’est plutôt vers 7-8 ans et encore….. » son père m’a dit qu’il adorait ça, qu’il avait tjrs une raquette à la main. j’ai dit, on en reparlera, mais c’est de la graine de champion!
        Lorsqu’il a eu 11 ans son père me dit. « Antoine est champion de France de sa catégorie »
        Ses parents n’ont pas voulu le laisser partir en lycée étude pour qu’il reste dans la sphère familiale, c’est pour cela qu’il a reçu peu ou pas d’aide de la FFT.
        A 14 ans il atteignait les 1/4 des petits as… sachant qu’il est de fin d’année, 6 à 10 mois d’écart ça compte quand on est jeune surtout quand on a comme lui, une croissance un peu tardive…
        A cette époque la, pour qu’il ait une croissance harmonieuse sans déséquilibre, son père a commencé à le faire jouer de la main gauche… selon son père (digne de foi) en seulement 3 mois il jouait aussi bien de la main gauche que de la droite… et son père disait, « c’est fou, Antoine est comme son grand père, une vraie éponge, il veut faire du tennis son métier, si c’est son souhait on l’y aidera, de toutes façons avec ses facilités scolaires on sait qu’il peut perdre un peu de temps, il saura trouver des solutions ensuite…
        Bachelier à 16 ans, il a fait des études universitaires tout en jouant sur le circuit 2 semaines par mois….Ce qui explique sa progression un peu plus tardive, ça ne fait je crois que depuis la fin juin 2017 qu’il est totalement sur le circuit et tjrs le peu d’aides reçues.
        Antoine est très intelligent, il a la tête sur les épaules, il réfléchit bien, il a reçu une excellente éducation, ses parents ont une vie très saine et très équilibrée, ils ont tous les 2 fait du sport de compétition à un bon niveau.
        Si Antoine reste focus, et conserve son hygiène de vie, il devrait continuer à progresser puisqu’à 23 ans il est encore un peu jeune sur le circuit

        Aimé par 1 personne

  1. Bravo pour l’interview et chapeau à lui. Il est sûrement comme beaucoup de pro, mais c’est super de voir qu’on peut y arriver ! Il va peut etre sortir Gilles au premier tour de Marseille. No limit le bonhomme ?

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