Lou Adler a beau avoir 22 ans, c’est une rookie sur le circuit professionnel. En effet, nous l’avons appris à travers cette interview, elle n’a débuté sur le circuit ITF qu’en 2016. Et après deux années passées chez les pros, elle vient de remporter son tout premier titre sur la moquette extérieure toute particulière de Solarino (15 000 $), en Italie. Voilà pourquoi nous avons voulu nous intéresser à cette jeune joueuse, qui en plus a gagné avec la manière ! Tout au long de sa semaine en Italie, elle n’a concédé aucun set et a seulement perdu quatorze jeux en cinq matchs. De plus, en finale, elle a maîtrisé l’Argentine et tête de série n°1 Catalina Pella en deux sets 6/3, 6/4. Nous vous proposons de partir avec nous à la rencontre d’une joueuse prometteuse, dont il faudra suivre la progression la saison prochaine.
Bonjour Lou, pouvez-vous nous dire d’où vous venez, quel a été votre parcours depuis vos débuts chez les jeunes jusqu’à aujourd’hui ?
Bonjour ! Je viens des Hauts-de-Seine, et depuis de nombreuses années maintenant je partage mes entraînements entre la ligue et mon club, le R.A.C. (Rueil-Malmaison). J’ai un parcours un peu atypique puisqu’à 22 ans, cela fait tout juste un an que je joue sur le circuit international. À 18 ans, étant classée -15 et mon Bac S en poche, j’ai fait le choix de partir en université Américaine (UCSB). J’ai joué deux années pour eux, en parallèle d’études en communication. Je suis rentrée en France en 2016, le système américain ne me convenant pas, et j’ai obtenu mon Bachelor dans une école de commerce parisienne, tout en jouant sur le circuit des tournois français (CNGT). Cette étape, importante pour moi, étant maintenant derrière, je me suis lancée à plein temps sur le circuit ITF l’année dernière. Je suis aujourd’hui classée 570ème joueuse mondiale et 30ème joueuse française.
Avec qui vous entraînez-vous au quotidien ? Avez-vous un coach qui vous suit, ou vous entraînez-vous avec d’autres joueuses françaises ?
Je m’entraîne dans mon club avec Eric Noblet, qui s’occupe de moi depuis mon retour des États-Unis. Il gère à la fois mon tennis et ma préparation physique. Depuis cette année, la ligue me permet de bénéficier de l’intervention de William Bigot, qui s’était déjà occupé de moi étant plus jeune. Enfin, depuis quelques mois également, Erwann Tortuyaux supervise le travail physique effectué et nous donne un coup de main dans l’organisation du travail ! Pour ce qui est des tournois, je voyage seule la majorité du temps même si, lorsque c’est possible, j’essaie de m’organiser avec des copines joueuses pour que l’on parte ensemble.
Vous venez de remporter votre premier titre sur le circuit ITF à Solarino (15 000 $) ce dimanche, qu’avez-vous ressenti au moment de la victoire ?
Beaucoup de joie. Et aussi de la fierté. C’était un de mes objectifs cette année. J’étais consciente que c’était dans mes cordes mais entre penser et le faire il y a parfois un monde ! En réalité sur le moment, je me suis appliquée à contenir cette joie ; car une heure après j’étais de retour sur le terrain pour jouer un match de qualifications qui m’a permis d’intégrer le tableau final du tournoi suivant (n’étant pas inscrite, je n’avais pas d’autre solution que de passer par la case qualifications). C’est seulement une fois ce deuxième match gagné, et la journée enfin terminée, que j’ai pu vraiment savourer ce titre.
La semaine précédente, lors du même tournoi, vous aviez atteint les demi-finales. Qu’est-ce qui fait que cette fois vous avez mieux joué et avez été jusqu’au bout en battant la tête de série n°1 en finale ?
J’ai perdu ma demi-finale la semaine dernière sur le fil ! Je suis arrivée ici en manquant un peu de repères, une bonne contracture à la cuisse m’ayant empêché de m’entraîner normalement les dix jours précédant le tournoi. La semaine a été éprouvante, entre le simple et le double, que ma partenaire Noelia (Zeballos) et moi avons gagné. Physiquement j’ai eu une petite baisse de régime qui me coûte le match. Depuis, mes sensations s’améliorent de jour en jour. J’ai aussi pris mes marques sur cette surface particulière (moquette extérieure).
Pensez-vous que cette victoire peut vous servir de déclic pour la suite ? Vous voyez-vous progresser dans une catégorie supérieure, et pourquoi pas remporter des 25 000 $ voire des tournois mieux côtés en 2019 ?
Je ne pense pas qu’un match ou une victoire puisse servir de déclic. Depuis quelques mois j’ai de très bonnes sensations, je m’entraîne dur et il se trouve que cela s’est déjà concrétisé en match, puisque j’ai obtenu quelques belles victoires récemment, entre la 200ème et 300ème place. J’espère avoir franchi cette semaine une nouvelle étape en enchaînant plusieurs bons matchs sur un tournoi complet. Je progresse beaucoup depuis deux ans, je suis extrêmement motivée et j’ai de nombreux points d’amélioration sur lesquels je travaille. Mon objectif principal reste de faire de mon mieux jour après jour. Je verrai bien où cela me mène.
En terme de classement, vous avez atteint votre meilleur marque cette année (n°568), que vous allez certainement battre avec ce titre. Accordez-vous une réelle importance au classement, le regardez-vous souvent ?
Bien sûr, je regarde le classement. Même si encore une fois je ne me fixe pas de réels objectifs de ce point de vue là et que le classement n’est pas nécessairement le reflet d’un niveau de jeu à un instant T. Cela fait juste plaisir de le voir évoluer dans le bon sens ! Il me permet d’accéder à des tournois plus relevés, d’affronter de meilleures joueuses et donc de progresser…
Vous avez aujourd’hui 22 ans, vous êtes jeune mais comment gérez-vous votre carrière financièrement ? On sait que la vie d’une joueuse est difficile financièrement, n’est-ce pas parfois trop dur et n’avez-vous jamais ressenti l’envie de tout arrêter ?
Effectivement, le financement d’une saison est une source de difficulté. L’année dernière j’ai financé la moitié de ma saison, grâce à mes gains sur les tournois, les revenus des matchs par équipe, une aide de mon ancienne école. Mes parents ont financé l’autre moitié. Mais il est vrai que je ne suis pas partie bien loin, et très souvent j’étais seule… Depuis le mois de mai, je suis accompagnée par Tecnifibre qui me fournit cadres et cordages. L’année qui vient, je vais devoir faire des déplacements plus lointains, et c’est une certitude que j’avancerais plus vite en étant accompagnée sur quelques tournois… Je suis en recherche de sponsors, mais pour le moment je ne suis pas aidée ! Les mécènes, marques… préfèrent investir sur des joueurs ou joueuses qui ont déjà réussi, et qui n’ont paradoxalement plus de problème d’argent. C’est dommage mais c’est une réalité.
Comme toute joueuse de tennis, vous devez rêver de jouer un jour un tournoi du Grand Chelem. Parmi les quatre, quel est celui qui vous fait le plus rêver et pourquoi ?
J’ai pour objectif à court terme d’intégrer les qualifications de Roland-Garros. Étant Française (et Parisienne), ça serait un honneur de jouer devant mes proches.
Comme certaines joueuses françaises qui se sont exprimées à ce sujet, avez-vous été victime de harcèlement sur les réseaux sociaux de la part de parieurs qui n’ont aucune éducation et ne se gênent pas pour insulter les joueuses ?
Eh oui ! Cela fait malheureusement partie du quotidien des joueurs et joueuses du circuit secondaire… La toute première fois que cela m’est arrivé, je venais de perdre un match 7/5 au troisième set en ayant mené 5/2 service à suivre. Je me souviens notamment d’un parieur qui s’était un peu acharné et m’avait envoyé cinq ou six messages en m’insultant de tous les noms, et en me menaçant de mort moi et mes jeunes frères (dont il avait récupéré les prénoms). À l’époque ça m’avait affecté, je ne savais pas que des joueuses ou joueurs de mon niveau pouvaient être concernés par ce genre de problèmes. Aujourd’hui, je ne lis même plus les messages. Je suis triste pour ces gens, qui n’ont rien de mieux à faire que de nous insulter.
Pour finir, pouvez-vous nous donner votre programme pour les semaines à venir et pour le début de la saison 2019 ? Quels vont être vos objectifs pour cette nouvelle saison ?
Je vais rentrer à la maison pour entamer une période foncière de cinq semaines. J’aimerais reprendre la compétition par les ITF français sur dur intérieur aux mois de janvier et février (Andrézieux, Grenoble, Mâcon). Il est difficile d’établir une programmation pour l’année qui vient, à cause de la réforme du circuit ITF (Transition Tour). Normalement je devrais pouvoir intégrer les tournois WTA, puisque j’ai récemment pris pas mal de points sur des 25 000 $ et au-dessus, du moins je l’espère.
Merci Lou d’avoir répondu à nos questions, nous vous souhaitons une très bonne fin de saison et une excellente année 2019, avec tous nos vœux de bonheur et de réussite !
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