Durant l’inter-saison, nous avons décidé de vous proposer plusieurs reportages et analyses, afin de vous éclairer sur le monde de la petite balle jaune. Ainsi, nous jetteront un œil dans le rétroviseur de la saison 2018 avant de nous concentrer sur 2019. C’est une façon pour nous comme pour vous de clore un chapitre du grand livre du tennis. Avant d’en ouvrir un autre dès le 31 décembre, date de reprise des tournois sur les circuits ATP et WTA. Pour commencer, voici un reportage sur les jeunes pousses du tennis français masculin, qui devraient à un moment ou à un autre faire parler d’eux au plus haut niveau. Nous nous demandons si ces jeunes joueurs, parmi lesquels on compte Ugo Humbert, Corentin Moutet ou encore Quentin Halys, représentent la relève du tennis français. Nous n’avons pas la réponse et vous invitons à nous donner votre avis sur la question, en commentaire ou sur les réseaux sociaux. Ce que nous pouvons faire en revanche, c’est revenir sur la saison de ces trois joueurs, qui ont sans conteste progressé, chacun à leur rythme. Sans oublier deux autres jeunes qui méritent d’être nommés : Geoffrey Blancaneaux et Elliot Benchetrit qui, a 20 ans, sont loins d’être largués. En souhaitant à ces cinq joueurs d’avoir à l’avenir des carrières similaires à des Gasquet, Tsonga, Monfils, Simon et consorts…
La progression fulgurante d’Ugo Humbert en 2018
Six. C’est le nombre de trophées qu’a remporté le Français Ugo Humbert (n°84) au cours de la saison 2018. Parmi ces six titres, trois en Futures (Bellevue, Gatineau et Bourg-en-Bresse) et trois en Challenger (Ségovie, Ortisei et Andria). Exceptionnel pour un joueur de vingt ans, peut-être un des plus grands espoirs désormais du tennis français. Comme une récompense, le Messin d’origine a fait sa première apparition dans le Top 100 et termine l’année 2018 au 84ème rang mondial après avoir remporté son dernier titre en Challenger ce dimanche à Andria, sur les courts indoor italien. Avec, au passage, une qualification directe pour le prochain Australian Open. Ce qui n’est pas rien !
Mais avant d’en arriver là, Ugo Humbert a dû travailler dur. Classé 381ème mondial fin 2017, le Tricolore a progressé de 297 places en une saison, soit une des plus belles progressions sur le circuit ATP. Pourtant, tout n’a pas été si facile, nous vous en avions déjà parlé dans un article paru le 20 octobre dernier. Nous y évoquions une des premières experiences du Français en Challenger à Lille, soldée par une défaite au deuxième tour, et les semaines difficiles qu’il a pu connaître jusqu’à sa défaite au premier tour des qualifications à Roland-Garros, où il avait été invité. Un déclic allait alors avoir lieu, cette défaite ne plaisant vraiment pas à son entraîneur, Cédric Raynaud, qui déclarait à propos d’une discussion avec son joueur après cette défaite : « Cette discussion, c’est un déclic. Il avait besoin de ne pas être tiède, mielleux. Il a cru en lui et il s’est lâché. » Avant d’ajouter : » Tout le monde était sur Geoffrey Blancaneaux parce qu’il venait de gagner Roland-Garros. Ugo était dans l’ombre mais il a travaillé tranquillement. Il a très peu confiance en les autres. Il a son cercle fermé : ses parents – traiteurs réputés sur la place de Metz – Cyril Brechbühl (son préparateur physique) et moi. Ainsi que Rodolphe Gilbert, qui apporte son expertise de gaucher. » Ugo Humbert a par la suite enchaîné les victoires et les bons résultats, au point d’être tout près de se qualifier pour les Next Gen ATP Finals, à quelques points seulement… Mais ce qu’il voulait le plus, c’était aller chercher cette qualification directe pour l’Australian Open 2019, raison pour laquelle il a joué sur le circuit Challenger jusqu’au bout.
Comme il le confiait il y a quelques semaines avant un tournoi en Allemagne : « À Orléans (défaite au deuxième tour, fin septembre), j’étais un peu fatigué, en fin de piste. La semaine d’après, j’ai refait du jus (avec son préparateur physique, Cyril Brechbühl) et là, cette semaine, je me sentais vraiment bien. Physiquement, je suis au top et je sens que je peux enchaîner. Le plus important, c’est de garder l’envie. Il y a encore pas mal de tournois à jouer sur la fin d’année. » « On pousse jusqu’au 26 novembre, il est frais, il a envie de jouer », ajoutait Cédric Raynaud. Et cette fraîcheur lui a permis d’aller chercher ce troisième et dernier titre de la saison en Challenger, ce dimanche en Italie. De quoi conclure une saison 2018 que le Tricolore n’est pas prêt d’oublier, en attendant de pouvoir évoluer plus régulièrement dès 2019 sur le circuit ATP.
Moutet et Halys : coincés entre la 100ème et la 150ème place mondiale
Derrière Ugo Humbert, deux joueurs font également office d’espoirs pour le tennis tricolore : il s’agit de Corentin Moutet (n°150) et Quentin Halys (n°128). Le premier tend à assumer ce statut même si sa progression est moins fulgurante que celle d’Humbert et semble connaître un petit coup d’arrêt. Mais il ne faut pas oublier qu’il n’a que 19 ans. Pour le second, âgé aujourd’hui de 22 ans, cela fait déjà plusieurs saisons qu’on parle de lui mais il semble stagner depuis quelques mois, même si le Top 100 se rapproche de plus en plus. Revenons sur leurs progressions respectives au cours de cette saison 2018.
En terme de classement, Corentin Moutet n’a que peu progressé. Classé 155ème mondial fin 2017, le voilà aujourd’hui à la 150ème place au classement ATP. Pourtant, 2018 fut une année riche d’enseignement pour lui. En effet, le Français a remporté son premier titre en Challenger à Istanbul, au mois de septembre dernier. Il avait d’ailleurs débuté l’année par un quart de finale prometteur au Challenger de Nouméa. Mais 2018 pour le Francilien, c’est aussi la découverte du haut niveau et les premiers tournois ATP. Il a débuté sur le grand circuit au mois de février en disputant le tournoi ATP 250 de Quito, sur terre battue, où il a tout de même atteint les quarts de finale. Il a ensuite échoué lors des qualifications de plusieurs autres tournois ATP, mais l’apothéose de sa saison est survenue à Roland-Garros où, bénéficiaire d’une wild card, il a passé le premier tour face au géant Ivo Karlovic en trois sets ! Largement dominé ensuite par plus fort que lui (le Belge David Goffin), cette expérience l’a assurément aidé à grandir. Comme il l’exprimait en conférence de presse : « Là, j’avais affaire à un de mes meilleurs joueurs du monde, j’étais un peu l’élève aujourd’hui même si j’ai tout fait pour gagner. J’essaie d’apprendre de lui, de sa façon de gérer le match, de jouer. Ça a été hyper enrichissant même si j’ai perdu assez sévèrement les deux derniers sets, ça me servira beaucoup pour la suite. J’essaie de m’inspirer de tous les joueurs, du 1er au 100e, ils ont tous quelque chose à m’apprendre. David, je le côtoie rarement. Aujourd’hui, j’ai eu la chance de l’affronter et il m’a montré beaucoup de choses. » Le contrecoup s’est fait ressentir jusqu’au mois de juillet, où Moutet a atteint la finale du Challenger de Bastad. Puis plus rien jusqu’à sa première victoire en Challenger à Istanbul et depuis, les résultats ont été moins convaincants. Très proche du Top 100 (n°105) après sa première victoire en Challenger, le Tricolore a peut-être subi la fatigue d’une saison riche lors des derniers mois de l’année. Mais s’il se construit une meilleure caisse physique, avec le talent qui est le sien, tout est entre ses mains pour pouvoir entrer bientôt dans le Top 100 et confirmer tous les espoirs placés en lui.
Du côté de Quentin Halys, il n’y a pas eu de progression au classement. Classé 129ème fin 2017, le voici aujourd’hui n°128. Pourtant, il s’est lui aussi dangereusement approché du Top 100 en février dernier, quand il a atteint la 102ème place mondiale après avoir remporté le Challenger de Quimper. Le natif de Bondy n’a par ailleurs pas démérité en 2018, remportant au total deux titres en Challenger (il faut ajouter Nanchang à son palmarès). Halys a tenté sa chance sur le circuit ATP mais c’était peut-être trop tôt, même s’il a « déjà » 22 ans. Il a rarement réussi à s’extirper de qualifications et lorsqu’il était invité, comme au tournoi ATP 500 de Dubaï, il a perdu dès le premier tour. Après sa victoire au Challenger de Nanchang au mois d’avril, le Français a même connu un sérieux coup d’arrêt, avec au passage une défaite au premier tour des qualifications à Roland-Garros. Il s’est repris au mois de juin en atteignant les demies à Poznan, mais l’été a été très difficile jusqu’en septembre, où il perdait en finale du Challenger d’Istanbul face à Corentin Moutet. Ce qui manque encore à Quentin Halys, c’est de la régularité au plus haut niveau. Il est capable de bien jouer sur un ou deux tournois, et ensuite il ne fait plus de gros résultat pendant plusieurs semaines. Avant la fin du mois de novembre, il s’est quelque peu fait oublier, jusqu’à ce qu’il atteigne les quarts de finale à Mouilleron-le-Captif et les demies à Andria, son dernier tournoi de l’année. Le Tricolore devra assurément gagner en régularité pour enfin entrer dans le Top 100 et répondre aux attentes qui existent autour de lui la saison prochaine.
Blancaneaux et Benchetrit : une progression plus lente mais une motivation sans faille
L’année 2018 n’aura pas été la plus facile pour Geoffrey Blancaneaux, à qui on a prévu un bel avenir depuis au moins deux ans. Pourtant, il a reculé au classement, passant de la 302ème place mondiale début janvier au 491ème rang en cette fin de saison. Ce qui n’a pas empêché le Parisien de remporter trois titres sur le circuit Futures. Mais il n’est pas parvenu à s’imposer en Challenger, comme sa progression aurait pu le laisser penser. Pour autant, Blancaneaux ne désespère pas et continue à travailler avec abnégation. Voilà pourquoi, après plusieurs défaites en janvier lors des premiers tournois Challenger de l’année, il est retourné sur le circuit ITF dès le mois de février, avec une première finale à Jerba où il perdait face à son compatriote Laurent Lokoli. Mais un mois et demi plus tard, le Français allait renouer avec la victoire lors du tournoi ITF d’Opatija, en Croatie. Fort de cette victoire, il allait encore tenter sa chance en Challenger, sans succès, avec au passage une défaite au deuxième tour des qualifications de Roland-Garros au mois de mai. Blancaneaux aura quand même tenté sa chance tout l’été sur le circuit Challenger mais il a dû se rendre à l’évidence : c’était peut-être trop tôt pour lui. Redescendu au classement, il allait à nouveau retourner sur le circuit Futures pour la fin de saison, jouant une demi-finale à Séville pour son premier tournoi ITF. Après une nouvelle tentative en Challenger, le Tricolore décidait de terminer l’année 2018 sur le circuit ITF. Avec deux nouveaux succès, à Monastir et Stellenbosch en ce mois de novembre. Entre victoires sur le circuit Futures et déconvenues sur le circuit Challenger, Geoffrey Blancaneaux semble faire un blocage. Il a les capacités pour franchir un palier supplémentaire et jouer plus souvent les premiers rôles en Challenger, mais il n’y parvient pas. Pourtant, le niveau affiché sur le circuit ITF où il gagne presque à tous les coups montre qu’il a les capacités pour aller plus loin. Il doit croire en lui et il doit avoir un réel déclic. La saison 2019 pourrait être celle de la révélation.
Enfin Elliot Benchetrit, 20 ans, progresse lui aussi à son rythme. Classé 402ème mondial en début d’année, il est aujourd’hui aux portes du Top 300, classé n°300. Plus discret, il a montré en 2018 qu’il avait les qualités d’un futur grand champion. Il n’a remporté « qu’un » tournoi sur le circuit Futures, à Jerba au mois de février mais il doit plus sa progression à une certaine régularité qu’à des coups d’éclat. Il a beaucoup joué sur le circuit Challenger et très peu en Futures. Dès janvier, il a atteint son premier quart de finale en Challenger à Canberra et il a tenté sa chance sur le circuit ATP au tournoi ATP 250 de Montpellier, où il était éliminé dès le premier tour des qualifications. Ce qui ne l’a pas empêché de prendre sur lui pour s’envoler en Tunisie et remporter un titre en ITF. Ensuite, après une nouvelle demie sur le circuit Futures en Tunisie, il a retenté sa chance en Challenger, perdant soit en qualifications, soit dès le premier tour dans le tableau principal. Ce n’est qu’au mois de mai, au Challenger de Bordeaux, qu’il est parvenu à s’extirper des qualifications pour ensuite aller jusqu’en quarts de finale, enchaînant ainsi cinq victoires d’affilée. Ce qui lui a valu une invitation pour jouer Roland-Garros, où il perdait au premier tour contre Gaël Monfils non sans avoir démontré ses qualités en prenant un set à son compatriote. La suite de la saison du Tricolore s’est ensuite jouée sur le circuit Challenger, où il n’a pas fait d’autre gros résultat, mis à part un quart de finale à Marburg début juillet. Invité à Mouilleron-le-Captif, il a terminé l’année en se hissant en demi-finales d’un tournoi Challenger. Comme Blancaneaux, Benchetrit semble encore faire un blocage face aux meilleurs lorsqu’il évolue en Challenger. Pourtant, il a le niveau pour y jouer les premiers rôles lui aussi. Contrairement à son compatriote, il n’est pas retourné sur le circuit ITF, jugeant qu’il avait les capacités pour évoluer sur le circuit Challenger. À lui de continuer à progresser en 2019 pour nous prouver que nous avons raison de placer nos espoirs en lui.
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