Dans quelques jours, quand débutera l’US Open, le Grec Stefanos Tsitsipas arrivera avec son meilleur classement en carrière, une 15ème place mondiale. Il sera ainsi propulsé tête de série n°15 pour la première fois dans un tournoi du Grand Chelem. Pas mal pour un joueur qui a eu 20 ans le 12 août dernier. Ce qui est plus fulgurant, c’est la progression de ce jeune pensionnaire de la Mouratoglou Tennis Academy, qui était encore classé 91ème mondial en tout début d’année. C’est indéniable, Tsitsipas a changé de dimension en quelques mois seulement. Au mois de janvier, il devait encore en passer par les qualifications du premier tournoi ATP 250 de la saison à Doha. Il y a tout juste un an, il disputait même les qualifications à New York et perdait au troisième face à un Français, un certain… Nicolas Mahut. Que s’est-il passé en à peine un an pour que Stefanos Tsitsipas change ainsi de dimension et dans quels domaines a-t-il le plus progressé ces dernières semaines ? Focus sur un joueur qui pourrait jouer les tout premiers rôles dans un avenir pas si lointain, à commencer par cet fin d’été dans la grosse pomme, là où tout est possible…
2018, l’année des premières pour Tsitsipas
Il y a encore un an, le Grec était classé au-delà du Top 100, à la 161ème place mondiale au classement ATP (au 28 août 2017). Grâce à une victoire en Challenger juste après l’US Open en 2017 et sa première demi-finale sur le circuit principal au tournoi ATP 250 d’Anvers mi-octobre, suivie d’une nouvelle finale au Challenger de Brest, Stefanos Tsitsipas avait fait son entrée dans le Top 100 et avait terminé la saison à la 91ème place mondiale. C’était déjà la preuve d’une certaine progression pour un jeune joueur alors âgé de 19 ans. Pensionnaire de la Mouratoglou Tennis Academy depuis 2015, on pouvait même lire sur le site de l’académie dirigée par l’entraîneur de Serena Williams que « 2017 fut l’année de la révélation. 2018 doit être celle de la confirmation. » Premier remplaçant lors de la première édition du Masters de la Next Gen à Milan au mois de novembre, il n’y a pas joué mais sera assurément présent en 2018, puisqu’il est actuellement deuxième de la « Race to Milan ». Il y serait alors l’un des grands favoris, en l’absence (presque certaine) d’Alexander Zverev, qui devrait lui jouer le Masters de Londres (il est actuellement classé n°4 mondial). Toujours coaché par son père, Tsitsipas s’est entouré depuis son arrivée à la Mouratoglou Tennis Academy d’un staff professionnel qui lui a permis de jouer à un tout autre niveau. Pour rappel, le jeune grec avait atteint la 1ère place mondiale chez les Juniors en 2016.
Pour ce qui est de 2018, Stefanos Tsitsipas n’a pas tardé à confirmer les espoirs placés en lui. Demi-finaliste au Challenger de Quimper début février, il allait commencer à faire parler de lui quelques semaines après, en atteignant les quarts de finale du tournoi ATP 500 de Dubaï (défaite 6-4, 3-6, 6-3 face à Malek Jaziri). Mais c’est lors de la saison sur terre battue qu’il va réellement se révéler au grand public. Fin avril, alors classé 63ème joueur mondial, il va atteindre sa première finale sur le circuit ATP au tournoi ATP 500 de Barcelone, avec au passage des victoires de prestige sur Diego Schwartzman et Dominic Thiem. Il sera arrêté par le n°1 mondial Rafael Nadal (6-2, 6-1) qui lui a montré le chemin qu’il lui restait alors à parcourir avant de se frotter aux tout meilleurs. Après avoir enchaîné par une demi-finale au tournoi ATP 250 d’Estoril, le Grec connaîtra un coup de moins bien et perdra face au même Thiem au deuxième tour à Roland-Garros. Il renouera ensuite avec le succès sur gazon : quart de finale à ‘s-Hertogenbosch et son premier huitième de finale en Grand Chelem à Wimbledon (stoppé par John Isner en trois sets 6-4, 7-6 (8), 7-6 (4)). Il sortait de cette période de tournois avec son meilleur classement : n°32 à l’ATP, ce qui était déjà une belle progression. Mais Stefanos Tsitsipas ne comptait pas s’arrêter là. Pour préparer l’US Open et la saison américaine sur dur, il a débuté par le tournoi ATP 500 de Washington. Une fois de plus, il a montré toute l’étendue de son talent et ses récents progrès. Il a atteint les demi-finales en battant notamment David Goffin, seul Alexander Zverev lui coupant l’herbe sous le pied (6-2, 6-4) en demies. Le Grec allait ensuite enchaîner en se hissant en finale du Masters 1000 de Toronto, sa première finale à ce niveau ! Après avoir battu quatre membre du Top 10 (Dominic Thiem, Novak Djokovic, Alexander Zverev et Kevin Anderson), un exploit titanesque, il allait encore se heurter au n°1 mondial Rafael Nadal, qui le battait une nouvelle fois en deux sets 6-2, 7-6 (4). Grâce à ces nouveaux très bons résultats, Tsitsipas a atteint son nouveau meilleur classement (15ème mondial) et abordera l’US Open dans la peau d’un sérieux outsider.
La progression au classement, conséquence d’une progression dans le jeu du Grec
Stefanos Tsitsipas, malgré son jeune âge, a déjà un bon physique et une belle puissance de frappe. Pour ceux qui l’ont déjà vu jouer (dont nous faisons partie), ce sont deux qualités flagrantes chez ce jeune joueur. De plus, il est très mobile, ce qui lui permet d’effectuer beaucoup de coups droits de décalage, son coup favori. Tsitsipas a également un remarquable revers à une main et il possède une réelle variété dans le jeu. Il est adepte de la montée à la volée après son gros service, et il peut réaliser des amorties ou des lobs très bien touchés. La surface qu’il préfère est le gazon, d’où ces bons résultats cette année (notamment son huitième de finale au All England Club), mais il est capable de bien jouer sur toutes les surfaces. Ce n’est pas pour rien s’il a eu d’excellents résultats sur terre battue au mois d’avril ! À Barcelone, il déclarait même en conférence de presse : « Je sais que je peux jouer mon jeu sur terre battue, je me sens très fort dessus et je sens que je peux tout faire sur cette surface. » Le Grec est aussi très à l’aise sur dur, une surface qui avantage sa grosse frappe et son jeu offensif, comme on a pu le voir à Washington ou Toronto. Voilà pourquoi il sera très attendu à l’US Open.
Mais ce n’est pas tout. Stefanos Tsitsipas a montré ces dernières semaines une grande force mentale, ce qui est l’apanage des plus grands champions. Il a énormément progressé dans ce domaine, comme on a pu le voir lors de son parcours au Masters 1000 de Toronto. En quarts de finale au Canada, face à Alexander Zverev, il a sauvé une balle de match dans le jeu décisif du deuxième set avant de s’imposer en trois sets (3-6, 7-6 (11), 6-4). En demi-finales, contre Kevin Anderson, il sauvait là encore trois balles de match, dont une dans le tie break du troisième set d’un incroyable revers court croisé (victoire 6-7 (4), 6-4, 7-6 (7)). Enfin, en finale face au n°1 mondial, Tsitsipas était mené cinq jeux à trois dans le deuxième set avant de revenir et de pousser Rafael Nadal dans un jeu décisif où il allait avoir une balle d’égalisation à un set partout. Qui sait ce qu’il aurait pu se passer si les deux joueurs avaient joué un troisième set… Après sa victoire en demies, le Grec déclarait lui-même, comme preuve de sa nouvelle force mentale : « Je n’ai rien pu faire de mieux dans un tournoi, en battant tous ces joueurs de haut niveau, en jouant un tennis incroyable. Je suis sûr que la foule ne s’attendait pas à ça. Personnellement, je ne m’attendais pas à ça. »
Son père le voit gagner un Grand Chelem mais Tsitsipas doit gérer la pression
Autour de lui, au sein même de son entourage, tout le monde voit Stefanos Tsitsipas remporter des grands titres et être un des grands joueurs des prochaines années. À commencer par un des coachs qui le suit à la Mouratoglou Tennis Academy, Kerei Abaac. Comme ce dernier l’a confié à nos confrères de L’Equipe : « Stefanos va se battre avec Thiem et Zverev, il est l’un des gars qui vont gagner des titres. Il l’a en lui-même. C’est quelqu’un de très fort. Sa prise de conscience s’est produite quand il a battu un Top 10 pour la première fois (Goffin en quarts à Anvers en 2017). C’était génial pour lui. » Mais son père Apostolos, qui l’entraîne toujours depuis tout petit et lui a appris à se servir d’une raquette, est peut-être celui qui lui met le plus la pression. Comme l’a déclaré Abaca : « Son père dit toujours que le premier titre du Grand Chelem qu’il remportera sera Wimbledon. Le gazon convient à son jeu, peut-être pas encore assez, mais il peut être un joueur très agressif. » Par conséquent, Stefanos Tsitsipas doit gérer cette nouvelle pression.
Après son merveilleux parcours à Toronto, le Grec a perdu d’entrée au premier tour du Masters 1000 de Cincinnati face au Belge David Goffin (7-5, 6-3). Interrogé en conférence de presse sur sa forme physique après l’enchaînement des matchs, voici ce qu’il a répondu : « Je me sentais bien aujourd’hui sur le court. Je ne me sentais pas si fatigué. J’étais juste… je me sentais bizarre. Une chose que j’ai sentie bizarre, c’est que je pouvais dire que je n’étais pas trop motivé pour jouer. Mais je ne suis pas ce genre de personne qui aime simplement aller sur le court et jouer simplement. Je déteste quand… c’était comme si mon esprit me mentait. J’avais envie de gagner, mais en même temps, ce n’était pas un gros problème pour moi, ce qui m’inquiétait beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je me sentais comme ça. Je voulais gagner, mais je pense que mon esprit était juste éteint. Il n’était pas là. Mon corps allait bien. J’avais l’impression de pouvoir jouer un long match, mais c’était le problème principal. » Un début de pression ressentie par le jeune grec ? Certainement, surtout quand on lui a demandé s’il avait ressenti l’excitation provoquée dans son pays par un tel parcours au Canada et qu’il a répondu : « Je suis au courant de ça. Même le Premier ministre a tweeté à ce sujet et il est plutôt bien d’avoir des gens si importants dans le pays pour y prêter attention. C’est vraiment difficile d’être une superstar. Ce n’est pas facile à gérer mais je vais essayer de rester aussi simple que possible, de ne pas trop en vouloir. Je sais que j’ai beaucoup d’années à jouer sur le circuit, donc c’est une bonne première étape d’être en d’un Masters 1000, mais je suis sûr que j’ai encore plus à prouver sur le terrain. » Toute la difficulté pour Tsitsipas dans les semaines à venir sera là : gérer cette pression forcément générée par ces récents résultats et prouver au monde entier qu’il a les épaules pour être, un jour, un vainqueur de Grand Chelem et un potentiel n°1 mondial.
Crédits photos : @RogersCup, @ATPWorldTour, @bcnopenbs, @CitiOpen, @ApoTsitsipas
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